France : Quatre ans, dont un ferme requis contre la mère d’un djihadiste du Bataclan.

La mère d’un des trois terroristes du Bataclan était jugée, ce vendredi 4 mars, pour avoir envoyé une forte somme d’argent à son fils lorsqu’il se trouvait en Syrie. Quatre ans de prison, dont trois avec sursis, ont été requis contre elle

La mère de Foued Mohamed Aggad, mort dans l’assaut de la BRI au Bataclan le 13 novembre 2015, était jugée ce vendredi 4 mars 2022 au tribunal correctionnel de Paris pour avoir envoyé des mandats, d’un montant total de plus de 13 000 €, à son fils et sa femme quand ils étaient installés en zone irako-syrienne, en 2014 et 2015.

Le procureur antiterroriste a requis quatre ans de prison, dont trois avec sursis et 5 000 € d’amende à l’encontre de la mère de Foued Mohamed Aggad, un des trois djihadistes du Bataclan. Elle était jugée ce vendredi 4 mars pour financement du terrorisme, soupçonnée d’avoir transmis, à partir de 2014, de l’argent à son fils et à sa femme Hajira Belkhir installés à cette période en zone irako-syrienne.

Selon l’enquête, la prévenue a envoyé « sept mandats » entre octobre 2014 et août 2015 « pour un montant de plus de 13 000 € », a indiqué le président de la 16e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Les investigations ont établi aussi que Fatima Hajji a joué « un rôle central dans la collecte de ces fonds ».

Ils ont été réunis « auprès de membres » de sa famille et de celle de la femme de son fils pour les verser ensuite à « des collecteurs de l’État islamique basés au Liban ou en Turquie ». Alors même qu’elle savait Foued Mohamed Aggad en Syrie, qui faisait part, dans leurs « contacts permanents », de « sa participation à des combats ». Il avait aussi « fait connaître sa volonté de mourir en martyr ».

Fatima Hajji ne le nie pas. elle a bien envoyé de l’argent à son fils, Foued Mohamed-Aggad, lorsque ce dernier se trouvait en Syrie. A sept reprises même, avant qu’il ne regagne la France, à l’été 2015, pour participer aux attentats du 13-Novembre au sein du commando qui a semé la terreur au Bataclan. Mais « cet argent, ce n’était pas pour financer l’État islamique ou une cause », assure la quinquagénaire, longue tunique en jean et voile noir accroché en chignon, appuyée à la barre de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. « C’était juste pour mon fils, sa femme et leur futur enfant », insiste celle qui était jugée ce vendredi pour « financement du terrorisme ».

Ses deux fils, Karim et Foued, ont pris la route de la Syrie avec une dizaine d’autres jeunes hommes de la région strasbourgeoise à la mi-décembre 2013. Si le premier ne reste que quatre mois sur place – il purge actuellement une peine pour association de malfaiteurs terroriste – Foued, alors âgé de 21 ans, n’exprime pas le souhait de rentrer, fait au contraire venir sa petite amie, qui deviendra sa femme, sur place. Dès son arrivée, le futur terroriste du Bataclan confie, dans une longue lettre à sa mère, « n’avoir plus d’avenir en France ». Pour autant, il ne rompt pas les liens avec cette dernière, leurs échanges sont mêmes quasiment quotidiens. Et ne se limitent pas à de simples conversations.

A sept reprises, entre octobre 2014 et août 2015, Fatima Hajji enverra de l’argent à Foued, 13.000 euros au total. Certains mandats tournent autour de 400 ou 500 euros, d’autres atteignent plusieurs milliers d’euros. 7.700 euros en octobre 2014, 4.500 euros en janvier 2015. Des sommes, explique-t-elle, destinées à payer des « passeurs » pour les faire quitter la Syrie. « Tout ce qui m’importait, à l’époque, c’était de sauver mon fils, sa femme et leur futur enfant », insiste la prévenue. « Mais il ne souhaitait pas être sauvé », lui rétorque le président, s’appuyant sur les dizaines d’échanges collectés au cours de l’enquête. A de très nombreuses reprises, Foued lui fait part de ses intentions de mourir en martyr, de combattre au nom de l’État islamique, lui assure même que s’il revient en France, ce sera pour faire un « sale truc ». Sa petite fille, elle, naîtra en février 2016… or six des sept transferts ont été faits avant la grossesse.

A la barre, Fatima Hajji se défend d’avoir perçu les intentions mortifères de son fils, affirme qu’il ne tenait des discours véhéments qu’en public. Pourtant, en mars 2015, sa belle-fille lui apprend que Foued s’apprête à commettre une opération martyre à Mossoul. Les envois se poursuivent néanmoins, un colis d’abord puis un nouveau mandat à la mi-juin. « Mon fils, il était dans le besoin, je ne pouvais pas le laisser », insiste-t-elle. Faux, lui rétorque le président : en tant que combattant, il touchait un salaire et était hébergé. Surtout, le magistrat lui lit une conversation dans laquelle elle raconte avoir vu, sur une vidéo, la cuisine de Foued regorgeant de Pepsi, chips… Tout au long des quelque sept heures d’audience, la prévenue s’est vue opposer les multiples extraits de ses échanges, contredisant systématiquement sa défense, l’obligeant à faire varier ses explications. 

Fatima Hajji avait-elle conscience qu’elle contribuait à financer l’organisation terroriste ? Savait-elle qu’à chaque fois qu’elle envoyait de l’argent à des « collecteurs », ces derniers gardaient entre 5 et 10 %, destinés à l’organisation terroriste. « On ne m’a jamais dit que c’était interdit d’envoyer de l’argent à mon fils, jure-t-elle. Comme tous les parents je n’ai fait qu’aider mon fils à subvenir à ses besoins. » Pourtant, sa fille a indiqué lors de sa garde à vue que sa mère s’est vantée d’avoir envoyé de l’argent en Syrie, en dépit de l’illégalité de la pratique. Quid, également, du téléchargement de deux vidéos de l’Etat islamique en janvier 2021 ? « C’était pour comprendre leur propagande », assure-t-elle, tout en jurant ne pas les avoir regardées.

Fustigeant la fausse naïveté de la prévenue, qui avait « parfaitement connaissance de la nature des activités de son fils », le procureur a requis quatre ans de prison dont trois avec sursis ainsi que 5.000 euros d’amende. Fatima Hajji, a-t-il insisté, a placé « l’amour filial au-dessus de tout. De la raison, de la sécurité de nos concitoyens, de toutes données acceptables pour nos institutions », a-t-il insisté. La décision a été mise en délibéré au mercredi 9 mars.

Joseph Kouamé

Laisser un commentaire