Pour la première fois en cent ans, le parti nationaliste Sinn Fein, partisan d’une réunification de toute l’Irlande, a remporté l’élection, ce samedi 7 mai 2022.U ne « nouvelle ère », malgré le risque de paralysie politique dans cette province britannique.
Le long dépouillement des bulletins de vote déposés jeudi dans les urnes pour désigner les 90 élus de l’Assemblée locale a donné une légère avance au Sinn Fein face à son rival unioniste DUP, favorable au maintien au sein de la couronne britannique. C’est une première en cent ans d’histoire de la province, créée en 1921 lors de sa partition d’avec l’Irlande et sous tension avec le Brexit.
« C’est aujourd’hui un moment très important de changement », avec l’entrée dans « une nouvelle ère », s’est félicitée la dirigeante du Sinn Fein en Irlande du Nord, Michelle O’Neill, depuis sa circonscription de Mid Ulster, promettant de dépasser les divisions. « J’offrirai un leadership inclusif, qui célèbre la diversité, qui garantit les droits et l’égalité pour ceux qui ont été exclus, discriminés ou ignorés dans le passé ».
Une victoire qui propulse Michelle O’Neill au poste de cheffe du gouvernement local, qui doit être dirigé conjointement par nationalistes et unionistes en vertu de l’accord de paix de 1998.
À Belfast, le décompte final donne, au Sinn Fein 27 des 90 sièges déclarés, contre 25 pour son rival unioniste du DUP, favorable à la couronne britannique. Le leader du DUP, Jeffrey Donaldson, a reconnu, sur Sky News que le Sinn Fein était le vainqueur de cette élection.
Mais les pourparlers pour la formation d’un gouvernement s’annoncent difficiles et le risque de paralysie plane, les unionistes refusant de rejoindre un gouvernement tant que resteront en place les contrôles douaniers post-Brexit, qui menacent selon eux l’intégrité du Royaume-Uni. « Je veux un gouvernement en Irlande du Nord, mais il doit être basé sur des fondations stables », a insisté M. Donaldson, déplorant que le protocole nord-irlandais porte « atteinte à l’économie » de la province et à sa « stabilité politique ».
Un autre ténor du parti, Edwin Poots, a prévenu que des négociations prendraient « des semaines, avec un peu de chance, ou même des mois », alors que le ministre britannique chargé de la province, Brandon Lewis, est attendu lundi à Belfast, selon des responsables politiques nord-irlandais.
« Les gens ont parlé et notre travail est maintenant de faire acte de présence. J’attends des autres qu’ils fassent de même », a dit Michelle O’Neill à des journalistes. Elle a appelé à un « débat sain » sur l’avenir de l’Irlande du Nord, estimant que le nouvel exécutif devait s’attaquer en priorité à l’envolée du coût de la vie, après une campagne durant laquelle elle a insisté sur les questions sociales et sociétales plutôt que constitutionnelles.
Marquée par trois décennies de troubles sanglants entre unionistes et indépendantistes puis l’agitation causée par le Brexit, l’Irlande du Nord avait replongé dans l’incertitude en février, avec la démission du Premier ministre unioniste Paul Givan, mécontent de la situation post-Brexit. « Le succès du Sinn Fein profite de la faiblesse de l’unionisme, à une période de changement véritable pour le Royaume-Uni après le Brexit. Il ne représente pas un changement radical des opinions en Irlande du Nord en faveur de la réunification », analyse pour l’AFP Katy Hayward, politologue à la Queen’s University de Belfast. Elle note aussi une fracturation du vote unioniste et la progression du parti centriste Alliance.
Ailleurs au Royaume-Uni, où se tenaient jeudi des élections locales, le Parti conservateur du Premier ministre Boris Johnson a essuyé un sévère revers, miné par le « partygate » et l’inflation, affaiblissant sa position. Ils ont perdu des centaines de sièges et une dizaine de conseils au profit des travaillistes et des libéraux démocrates.
Boris Johnson s’est dit déterminé à rester au pouvoir. Mais ces piètres résultats le fragilisent et poussent des députés de son camp, inquiets pour les législatives de 2024, à s’interroger sur l’opportunité de continuer à le soutenir.
Pour convaincre, Boris Johnson devra offrir « un vrai plan d’action » mardi lors du traditionnel discours du trône où le gouvernement dévoilera ses priorités au Parlement, estime Simon Usherwood, politologue de l’Open University interrogé par l’AFP.
Didier Maréchal