Dans ce pays d’Amérique latine qu’est le Salvador, les femmes qui font une fausse couche sont accusées d’avoir voulu avorter, ce qui est absolument illégal.
Lundi 9 mai 2022, une jeune femme a été condamnée à une révoltante peine de prison. Trois décennies derrière les barreaux pour avoir perdu son fœtus.
Les espoirs nés de l’élection de Nayib Bukele, en 2019, en matière de droits des femmes, ne se sont pas concrétisés dans un pays où l’Eglise catholique jouit d’une assise importante.
Trente ans de prison pour avoir perdu son fœtus. C’est la peine qu’une femme ayant fait une fausse couche a été condamnée, ce lundi 9 mai, alors qu’elle avait appelé les urgences. Loin de recevoir les soins nécessaires, selon le Collectif citoyen pour la dépénalisation de l’avortement, elle a été dénoncée à la police, et accusée d’homicide. Son avocat , Karla Vaquerano, a annoncé qu’elle ferait appel de la décision de justice, assurant que les accusations du parquet étaient biaisées et teintées de stéréotypes de genre.
Le Salvador est un des sept pays au monde (avec le Nicaragua, le Honduras, la République dominicaine, Haïti, Suriname et Malte) qui interdisent totalement l’avortement. Une dizaine de femmes se trouvent actuellement derrière les barreaux à la suite d’urgences obstétriques. On les accuse d’avoir, en réalité, voulu mettre fin à leur grossesse. Leurs peines atteignent parfois quarante ans, comme dans le cas de Maria Teresa Rivera, qui a pu fuir en Suède et y obtenir l’asile.
Depuis sept ans, il n’y avait pas eu de nouvelles condamnations. Cette peine lourde de 30 ans est donc la première à avoir lieu pendant le mandat du jeune chef de l’Etat, Nayib Bukele, au pouvoir depuis 2019, et dont les féministes attendaient beaucoup. Le président avait assuré, pendant sa campagne, être favorable à la dépénalisation de l’interruption de grossesse en cas de danger pour la vie de la femme enceinte.
Si la loi salvadorienne indique que les femmes qui avortent encourent jusqu’à 8 ans de prison maximum, comment expliquer cette récente peine de trois décennies ?
Une autre avocate salvadorienne, membre du Collectif féministe pour le développement local, explique précisément au journal français l’édifiante raison. Ces femmes qui font une fausse couche, puis qui se rendent à l’hôpital, et qui y sont accusées d’avortement, sont parfois à un stade avancé de leur grossesse. Dans ces cas, le jugement pour avortement se mue en une affaire d’homicide aggravé pour celles qui ont accouché d’un bébé mort-né. Et dans ce pays dans lequel l’Église catholique préserve un important pouvoir, elles risquent alors 30 à 50 ans de prison. Après la prononciation de telles peines. Certaines parviennent à fuir leur pays et obtiennent l’asile.
180 femmes injustement emprisonnées ces 20 dernières années.
Fin mars 2022, BFM rapportait qu’une autre Salvadorienne, condamnée, elle aussi à trente ans de prison pour une fausse couche qualifiée d’homicide aggravé, avait été libérée après 13 ans et cinq mois de prison, grâce au soutien et à la pression exercée par la communauté internationale.
D’après le Collectif féministe pour le développement local, relayé par le journal « Le Monde », plus de 180 femmes ayant fait une fausse couche ont été condamnées à des peines de prison au Salvador en 20 ans. Une dizaine de ces femmes sont encore en détention.
Joseph Kouamé