L’ancien premier ministre japonais, Shinzo Abe, aurait été assassiné pour ses liens avec la secte Moon.

La mère de l’homme accusé d’avoir assassiné Shinzo Abe est membre de l’Église de l’Unification, a confirmé, lundi, cette organisation également connue sous le nom de « secte Moon ». Le suspect souhaitait se venger de cette organisation en visant l’ancien Premier ministre japonais.

La mère de l’auteur des coups de feu appartient à l’Eglise de l’unification, également connue sous le nom de « secte Moon », mouvement religieux auquel elle a versé des dons qui ont conduit à sa faillite et à l’éclatement de sa famille.

l’enquête se poursuit sur l’assassinat de l’ex-Premier ministre japonais. Lundi, l’Église de l’Unification, également connue sous le nom de « secte Moon », a confirmé que la mère de l’assassin faisait partie de ses membres. Une organisation dont le tueur présumé avait dit vouloir se venger en visant l’ancien dirigeant japonais.

Tetsuya Yamagami, 41 ans, un ancien membre de la Force maritime d’autodéfense – la marine japonaise -, « en voulait à une certaine organisation » et avait décidé de tuer Shinzo Abe parce qu’il pensait que l’ancien chef du gouvernement avait un lien avec celle-ci, avait déclaré, vendredi dernier, la police japonaise.

Des médias nippons avaient rapidement évoqué une organisation religieuse sans la nommer, et affirmé que Tetsuya Yamagami en voulait à celle-ci parce qu’elle aurait obtenu des dons importants de sa mère, mettant leur propre famille en grande difficulté financière.

Selon des sources policières citées par des médias locaux, Tetsuya Yamagami aurait regardé sur YouTube des vidéos montrant comment fabriquer une arme à feu artisanale comme celle utilisée pour l’attaque.

Qui a créé cette secte présente aux États-Unis et au Japon ?

L’Église de l’Unification a été fondée en 1954 en Corée du Sud par Sun Myung Moon (1920-2012). Elle est principalement présente dans ce pays ainsi qu’aux États-Unis et au Japon.Les enseignements de ce culte célèbre pour ses mariages collectifs de masse sont fondés sur la Bible, avec des interprétations nouvelles.

Personnage très controversé devenu milliardaire grâce au vaste empire économique bâti par son Eglise, Moon assurait avoir eu, à l’âge de 15 ans, une vision de Jésus-Christ lui enjoignant de poursuivre sa mission, afin que l’humanité parvienne à un stade de pureté « sans péché ».

Réfugié de Corée du Nord, Moon fonde en 1954 à Séoul sa propre Église, laquelle va très rapidement se mêler de politique en adoptant initialement une ligne farouchement anticommuniste, s’attirant ainsi la sympathie du régime militaire de Corée du Sud à l’époque. Moon a aussi côtoyé des chefs d’État étrangers, comme Richard Nixon aux États-Unis, qu’il avait soutenu lors du scandale du Watergate. Par ailleurs, en France, dans les années 1980, son Église avait brièvement entretenu des liens avec le Front National.

Grâce aux dons de tous ses fidèles à travers le monde, la secte devient progressivement un empire économique présent dans de nombreux secteurs (construction, alimentaire, automobile, tourisme, éducation, médias…) qui fera de son fondateur un milliardaire. Sun Myung Moon s’installe aux États-Unis au début des années 1970. Condamné pour évasion fiscale par la justice états-unienne, il passera plus d’une année en prison dans le pays au début des années 1980.

Ses actions

L’Église de l’Unification est connue pour célébrer des mariages collectifs de masse. Concrètement, il s’agit de cérémonies durant lesquelles de nombreux couples sont unis par le fondateur ou par sa femme. En 2018, par exemple, cette dernière, aidée de son fils, a marié durant la même cérémonie 4000 couples venus de 64 pays différents et réunis en Corée du Sud. Beaucoup d’entre eux n’avaient fait connaissance que quelques jours auparavant et ne parlaient pas la même langue.

Une autre de ses missions est la lutte contre la montée du communisme, qui trouve son origine dans l’histoire personnelle de Sun Myung Moon. En 1946, le fondateur de la secte est en effet arrêté par les autorités communistes qui le torturent avant de le laisser pour mort. Sun Myung Moon consacre donc de nombreux prêches à ce sujet et crée une association organisation dédiée à la lutte contre cette idéologie, par l’éducation .

La secte est aujourd’hui contrôlée par la veuve de son fondateur, Hak Ja Han, sa seconde épouse, avec laquelle il a eu une dizaine d’enfants. L’organisation avait affirmé, en 2012, qu’elle comptait trois millions de fidèles dans le monde. Ce nombre serait toutefois largement exagéré, selon des experts. Son influence aurait nettement reculé depuis les années 1980, en raison des changements sociaux et politiques en Corée du Sud, de divers scandales et de scissions internes, avant et après la mort de son fondateur.

Au Japon, l’Église compterait plusieurs dizaines de milliers de fidèles. Au-delà de son pays d’origine, elle est principalement présente aux États-Unis, où elle se fait appeler dorénavant «Fédération des familles pour la paix et l’unification mondiales». En 1997, Sun Myung Moon a notamment uni 30.000 couples à Washington.

Quels liens avec Shinzo Abe ?

Tomihiro Tanaka, le président de la branche japonaise de l’Église de l’Unification, a confirmé, lundi, que la mère du suspect était membre de l’organisation depuis 1998 et qu’elle s’était retrouvée en difficulté financière vers 2002. «Nous ignorons les circonstances qui ont conduit cette famille à la banqueroute», a-t-il toutefois assuré, affirmant que les dons pour son Église se faisaient de manière volontaire et que les montants étaient libres. Tomihiro Tanaka a aussi souligné que Shinzo Abe n’avait «jamais» été l’un de ses membres ou conseillers.

Cependant, des organisations proches de l’Église de l’Unification invitent régulièrement des personnalités politiques de premier plan pour des conférences sur le thème de la paix dans le monde. L’ancien président états-unien, Donald Trump, s’est ainsi exprimé en ligne pour l’un de ces colloques en 2021, et Shinzo Abe avait aussi été critiqué par un groupe d’avocats japonais pour avoir envoyé un message vidéo lors d’un événement similaire en 2006.

Les funérailles de l’ancien premier ministre japonais se sont tenues dans l’intimité, ce mardi 12 juillet, au temple bouddhiste Zojo-ji, au cœur de Tokyo. Une veillée funèbre, ouverte au public, avait attiré, la veille, des centaines de personnes souhaitant rendre un dernier hommage à l’ancien chef de gouvernement tué à Nara alors qu’il prononçait un discours dans le cadre de la campagne pour les sénatoriales du 10 juillet. Elles pouvaient déposer des œillets blancs sur un autel orné de son portrait, souriant, en chemise blanche sans cravate.

Le premier ministre, Fumio Kishida, s’y est rendu, comme la secrétaire états-unienne au Trésor, Janet Yellen, et le vice-président taïwanais, William Lai – la plus haute personnalité taïwanaise venue au Japon depuis la rupture des relations officielles, en 1972. De retour de Bali où il a participé à la réunion du G20, le secrétaire d’Etat états-unien, Antony Blinken, a ensuite fait escale à Tokyo pour rendre hommage à « un homme porteur d’une vision » qui « a fait plus que beaucoup pour renforcer les relations entre les Etats-Unis et le Japon ».

Joseph Kouamé

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