Figure du cinéma européen et réalisateur notamment de « Cria cuervos » en 1975, le cinéaste espagnol Carlos Saura s’est éteint ce vendredi 10 février à l’âge de 91 ans, a annoncé l’Académie espagnole du cinéma. (avec AFP).
« L’Académie du cinéma a le profond regret d’annoncer le décès de Carlos Saura (…), l’un des cinéastes fondamentaux de l’histoire du cinéma espagnol, mort aujourd’hui à son domicile à 91 ans, entouré de ses êtres chers », a-t-elle annoncé sur Twitter. « Son dernier film, « Las paredes habla » (« les murs parlent »), était sorti vendredi, preuve de son activité infatigable et de son amour pour son métier jusqu’à ses derniers instants », a-t-elle encore déclaré.
Le cinéaste devait recevoir un Goya d’honneur samedi lors de la cérémonie des récompenses du cinéma espagnol qui se tient à Séville. Un hommage y sera rendu à « la mémoire d’un créateur irremplaçable », a poursuivi l’Académie.
« Carlos Saura nous a quittés. Cinéaste, photographe, artiste total (…) il avait reçu tous les prix imaginables durant sa carrière et surtout l’affection et la reconnaissance de tous ceux qui ont apprécié ses films », a réagi sur Twitter le ministre espagnol de la Culture, Miquel Iceta.
Réalisateur, en 1975, de « Cria cuervos », allégorie de la dictature qui a asphyxié son pays, prix du jury à Cannes et nommé au César du meilleur film étranger, Carlos Saura a d’abord placé son œuvre sous le signe du réalisme social avant de privilégier des films musicaux, notamment sur le flamenco.
Né le 4 janvier 1932 à Huesca (Nord) dans une famille d’artistes, Saura, qui a réalisé au total une cinquantaine de films, dont le très marquant car « dérangeant » « Anna et les loups », de 1973, où une femme sera la victime de la prédation des trois frères de la famille, chacun désirant la posséder aussi avidement, malgré qu’ils soient, en apparence, tous trois dans des modes de pensée et de vie très différentes – qui ne manque pas de faire penser aux trois personnalités des frères Karamazov, du roman de Dostoïevski, mais bien plus « obscures » et, surtout, carnassiers (ce film qui aura une suite intitulée « Maman a cent ans », en 1979, plutôt inattendue compte tenu de la conclusion dramatique du premier film), ou encore la violente satire sur la famille « Le jardin des plaisirs », réalisé en 1970. Carlos Saura avait obtenu sa première reconnaissance internationale en 1966 à Berlin (Ours d’argent pour « La Chasse », qui a pour toile de fond la guerre civile, dont les trois personnages principaux – tous trois ayant combattu dans le camp franquiste – se remémorent des moments précis qui va révélé des rancœurs entre les trois compagnons d’arme, au court d’une chasse au lapin).
Prolifique, Saura était un cinéaste du jeu et de l’imaginaire, à l’esthétique sophistiquée, au style à la fois lyrique et documentaire, centré sur le sort des plus démunis. Il a souvent dépeint des personnages, issus de la bourgeoisie, tourmentés par leur passé, flottant entre réalité et fantasmes.
Mais, à partir de la mort de Franco (1975) et la transition démocratique qui a suivi, ce fou de musique et de danse est progressivement passé à autre chose : des hymnes d’amour au tango et au fado, au folklore argentin et à la jota, danse de son Aragon natal, à l’opéra et, surtout, à son cher flamenco, devenant, un peu malgré lui, un ambassadeur de la culture espagnole.
Plusieurs fois marié et père de plusieurs enfants, il avait notamment été en couple avec Geraldine Chaplin, sa muse avec qui il avait eu un enfant.
Maxime Kouadio & Christian Estevez