Tan Jian, ambassadeur de Chine aux Pays-Bas, a parlé plus tôt cette semaine de la récente décision du pays de restreindre les exportations de machines pour la production de semi-conducteurs. Selon lui, les Pays-Bas commettent des erreurs sous la pression états-unienne et ont averti que « cela aura un impact négatif sur notre coopération et nos relations économiques ». (Avec « Siècle digital »).
Dans une lettre aux législateurs néerlandais les avertissant des restrictions à venir, la ministre du Commerce extérieur, Liesje Schreinemacher, a soigneusement évité de mentionner la Chine. Cependant, personne n’a été dupe. Dans une interview accordée au journal « Het », Financieele Dagblad, l’ambassadeur a averti que les mesures introduites par le gouvernement néerlandais. « ne seront pas sans conséquences » et qu’elles violent les règles du commerce international.
Les mesures en question visent à priver la Chine des machines de lithographie à ultraviolet profond (DUV) de la plus précieuse entreprise technologique européenne, ASML. La société, basée dans la banlieue d’Eindhoven, est hégémonique sur ces outils ultras perfectionnés, utilisés pour fabriquer les semi-conducteurs les plus avancés.
Les États-Unis d’Amérique négocient depuis de longs mois avec les Pays-Bas, pour les inviter à les rejoindre dans leur lutte visant à priver Pékin des meilleurs semi-conducteurs. Tan Jian dénonce la politique états-unienne de «faire pression sur leurs alliés et de supprimer la croissance chinoise par la coercition, le harcèlement et la domination». La Chine a déjà porté plainte contre les États-Unis devant l’Organisation Mondiale du Commerce. Le Japon, mais aussi la Corée du Sud, discutent également avec Washington pour prendre des mesures similaires.
L’argument états-unien pour priver la Chine de puce est celui de la sécurité. Cette technologie est dite à double emploi, civile et militaire. Faux pour l’ambassadeur, l’équipement d’ASML dont il est question ne serait « pas si avancé ». Selon lui « Nous fabriquons des puces mémoires avec, et elles ne sont pas à usage militaire ».
Incidemment, la Chine est et a toujours été privée du meilleur de la technologie de lithographie ultraviolette (EUV) d’ASML. Les journalistes des médias néerlandais n’ont pas oublié de noter que le prédécesseur de Tan Jian, à l’époque, en 2020, menaçait La Haye de conséquences. L’ambassadeur a expliqué qu’il souhaitait préserver de bonnes relations avec les Pays-Bas, mais a prévenu que « la Chine n’avalera pas tout ».
S’il ne s’est pas étendu sur la nature de la réponse de Pékin, « je ne vais pas spéculer », il a insisté sur les conséquences de cette décision pour les Pays-Bas. Il a rappelé la taille réduite du marché néerlandais, et que la réussite des entreprises du pays était directement liée à la capacité à vendre ses produits partout dans le monde. « Et la Chine est le marché le plus important au monde » a-t-il pris le soin de préciser.
Interrogé sur l’affaire d’espionnage subie récemment par ASML, par l’un de ses ex-salariés chinois et sur les multiples cyberattaques dont est victime l’entreprise, l’ambassadeur a éludé. Feignant de ne pas saisir les soupçons pesant sur Pékin, il s’est contenté d’affirmer qu’il existait des tribunaux compétents en Chine pour le vol de propriété intellectuelle et qu’il était lui-même victime de tentative de piratage.
En conclusion de l’échange, Tan Jian a reconnu l’avancée de l’entreprise néerlandaise et admis qu’il « faudra beaucoup de temps pour rattraper » le retard. Il a cependant estimé que son pays était placé au pied du mur, «si nous ne sommes pas autorisés à acheter le grain, alors nous devons le cultiver nous-mêmes. Sinon on meurt de faim ».
Amené à réagir, un porte-parole du ministère du Commerce extérieur a jugé « compréhensible » la position de la Chine. Il a espéré que les relations entre les deux pays ne se dégradent pas.
Didier Maréchal