Une trentaine de milliardaires norvégiens ont quitté le pays en quelques mois pour des pays aux politiques fiscales plus clémentes, le premier étant la Suisse. Une décision inattendue de partir pourrait peser lourdement sur le budget de l’État norvégien.
Plusieurs dizaines de multimillionnaires et milliardaires norvégiens ont quitté le pays suite à l’augmentation, notamment, de l’impôt sur la fortune.
L’impôt sur la fortune est passé de 1 à 1,1% en Norvège. Ce petit changement est suffisant pour décourager les milliardaires les plus célèbres de Norvège.
Le journal local Dagens Naeringsliv a dénombré une trentaine d’exilés vers des pays à faible fiscalité, soit plus en quelques mois qu’au cours de la décennie précédente. L’annonce du départ de Kjell Inge Røkk, 4e homme le plus riche du pays et premier contribuable à la mi-septembre 2022, a clairement encouragé les plus fortunés à suivre son exemple.
Cette panique est due au changement du modèle financier du pays depuis le 1er novembre. Les impôts sur les dividendes ont été augmentés et les impôts fonciers ont connu une légère augmentation. Le gouvernement de centre-gauche a décidé d’augmenter le taux d’imposition national à 0,4 %, contre 0,3 % précédemment sur les propriétés de plus de 20 millions de couronnes norvégiennes (1,7 million d’euros). Cela s’ajoute à la taxe de séjour de 0,7% sur les biens dépassant 1,7 million de couronnes norvégiennes (150 000 euros). Au total, les plus grosses fortunes du pays ont donc vu leur taux d’imposition passer à 1,1 %, contre 1 % précédemment.
«Ce n’est pas ce que je voulais, mais le durcissement et l’augmentation des règles fiscales du gouvernement actuel font que, en tant que fondateur et propriétaire responsable, je n’ai pas le choix, a prétexté Tord Ueland Kolstad, investisseur dans l’immobilier commercial et l’élevage de saumons, au micro d’une chaîne de télévision locale désormais installé à Lucerne. Pour lui, «il est injustifiable d’imposer de tels coûts à l’entreprise alors que l’on souhaite créer de nouveaux emplois.» S’il était resté en Norvège, le montant de son impôt aurait doublé, à près de 1,5 million d’euros. Une goutte d’eau pour celui dont le capital s’élève à environ 182 millions d’euros.
Comme beaucoup d’autres super-riches norvégiens, Kolstad a choisi la Suisse et sa modération fiscale envers les fortunés. «Quand je suis arrivé je n’avais pas d’amis. Mais maintenant, nous sommes plusieurs, alors on se rencontre de temps à autre pour prendre un café», a confié Kolstad au quotidien norvégien Aftenposten.
Selon un professeur émérite de la Norwegian Business School, cité par le journal britannique The Guardian, ceux qui ont quitté le pays ont un actif total d’au moins 600 milliards de couronnes norvégiennes, soit 52 milliards d’euros. Le manque à gagner en recettes fiscales est estimé à environ 175 millions de couronnes par an, soit 15,31 millions d’euros, alors que les autorités norvégiennes craignent une nouvelle vague de départs dans les mois à venir.
La bataille des chiffres fait rage dans la presse, le gouvernement minoritaire de gauche lance des appels à la raison, invoque le modèle de solidarité norvégien, et veut croire que la fuite des élites financières ne durera pas. Mais il envisage tout de même des mesures dissuasives, une taxe de sortie par exemple.
Erlend Grimstad, secrétaire d’État au ministère des finances, a déclaré à The Guardian : «Si vous avez connu le succès et êtes devenu riche en Norvège, nous espérons que vous resterez et que vous continuerez à participer à la société norvégienne. Le modèle norvégien veut que chacun contribue en fonction de ses capacités et donc que ceux qui ont une plus grande capacité à payer des impôts en paient un peu plus.» Il espère que les riches Norvégiens reviendront «avec le temps».
Joseph Kouamé