Un enregistrement clandestin de l’ex-Premier ministre bulgare, Kiril Petkov, met en doute la formation du gouvernement et mêle Ursula von der Leyen dans une autre affaire scandaleuse. (Avec EURACTIV).
Le nom de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est retrouvé mêlé à des scandales politiques en Bulgarie après qu’un enregistrement de cinq heures, dans lequel on entend l’ancien Premier ministre Kiril Petkov relater à d’autres membres de son parti une discussion sur l’espace Schengen qu’il aurait eue avec Mme von der Leyen, a été rendu public vendredi 26 mai.
Dans cet enregistrement révélé par Radostin Vassilev, député du parti centriste « Continuons le changement », l’ancien Premier ministre bulgare Kiril Petkov rapporte à des collègues du parti une conversation qu’il aurait eue avec Ursula von der Leyen le 21 mai dernier concernant l’entrée de la Bulgarie dans la zone euro et l’espace Schengen.
« […] Je lui ai demandé : quelles sont nos chances d’être acceptés [dans l’espace Schengen et dans la zone euro]. Elle m’a répondu : “Pour Schengen, vous avez de grandes chances. Pour la zone euro, vous devez trouver comment contourner les règles. En d’autres termes, comment vous conformer aux règles”. Et je lui ai répondu : “Pouvons-nous avoir [une estimation de] l’inflation moins l’effet [de la guerre] en Ukraine”, et elle m’a dit : “Écoutez-moi, nous allons essayer de vous aider” », a relaté M. Petkov.
Samedi 27 mai, la Commission européenne a confirmé que Mme von der Leyen et l’ancien Premier ministre avaient eu une conversation à ce sujet et « discuté de questions importantes de l’agenda de la Bulgarie, parmi lesquelles l’entrée de la Bulgarie dans la zone euro et dans l’espace Schengen ». La présidente de l’exécutif européen aurait réaffirmé son soutien à l’adhésion de la Bulgarie à Schengen, selon la Commission. « Il existe un processus bien structuré pour rejoindre la zone euro, qui s’applique à chaque pays. Le travail de la Commission consiste à soutenir la mise en œuvre des critères [d’adhésion]. Il est évident que les règles doivent être respectées », poursuit l’exécutif, selon Radio Bulgarie (BNR).
L’enregistrement a rendu publique la stratégie du parti « Continuons le changement », qui devait être mise en œuvre après l’élection d’un gouvernement avec le soutien de Boyko Borissov, fondateur du parti de centre droit Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB). Les dirigeants de « Continuons le changement » font notamment état d’une purge de l’État du personnel proche du président Rumen Radev, du GERB, ainsi que des employés soupçonnés de travailler pour les services de renseignement russes.
Par ailleurs, Radostin Vassilev a annoncé qu’il quittait le groupe parlementaire de « Continuons le changement » parce que le parti aurait menti en disant qu’il était le principal opposant politique du GERB, et qu’il forme maintenant un gouvernement avec M. Borissov. Il a été accusé par ses anciens collègues de tenter de compromettre le redressement de la Bulgarie après la crise politique parce qu’il n’a pas obtenu le poste de ministre des Sports au sein du nouveau gouvernement.
Les enregistrements contiennent également de nombreuses déclarations polémiques de Kiril Petkov, qui déclare par exemple que l’ancienne commissaire européenne bulgare Mariya Gabriel a fondu en larmes lorsqu’elle a appris qu’elle ne serait pas Première ministre. Kiril Petkov s’est excusé pour ces propos, et Mme Gabriel a déclaré que ces derniers étaient tout simplement faux.
La formation d’un gouvernement menacée
Avant la divulgation des enregistrements, la coalition « Continuons le changement » Bulgarie démocratique avait conclu un accord inédit avec le GERB pour former un gouvernement. Pendant les neuf premiers mois, Nikolay Denkov (Continuons le changement) devait assurer le poste de Premier ministre, puis il devait être remplacé par Mariya Gabriel (GERB). Toutefois, après la publication des enregistrements, le GERB a annoncé qu’il gelait les négociations avec « Continuons le changement » jusqu’à ce qu’il reçoive l’assurance que le futur gouvernement respecterait les principes de l’État de droit.
Boyko Borissov tente pour sa part de profiter de la position de faiblesse de « Continuons le changement » et demande un gouvernement expérimenté avec un mandat court.
Cet enregistrement rappelle furieusement les conditions d’entrée litigieuses de la Grèce dans la zone euro. Athènes, avec l’aide de Goldman Sachs, avait fourni de fausses données pour contourner les critères d’adhésion à la zone euro. Le pot aux roses fut révélé lors de la crise de la zone euro, lorsque les statistiques réelles ont été rétablies par Andreas Georgiou. Un sinistre épisode qui a laissé des traces dans l’opinion publique allemande, très remontée à l’époque. Il ne faudrait pas que la Bulgarie, déjà très fragile, reproduise le même subterfuge.
Didier Maréchal