Les prix du pétrole sont montés de façon vertigineuse lundi ,après l’annonce surprise par plusieurs grands pays exportateurs d’une réduction dès mai de leur production, présentée comme une « mesure de précaution » pour stabiliser le marché. (Avec AFP).
«Il est dans l’intérêt de l’énergie mondiale de maintenir les prix mondiaux du pétrole au bon niveau», a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. «Que les autres pays soient satisfaits ou pas, c’est leur affaire», a-t-il ajouté.
La Russie a annoncé, dimanche 4 juin, prolonger la réduction de sa production de pétrole brut de 500 000 barils par jour jusqu’à la fin de l’année, une mesure jugée par différents experts comme un moyen de faire monter les prix et lutter contre l’effet des sanctions internationales.
Le vice-Premier ministre russe en charge de l’Energie, Alexandre Novak, avait, lui, justifié une telle mesure par la période «de forte volatilité» et «d’incertitude» sur le marché de l’or noir. «La prévisibilité du marché mondial du pétrole est un élément clé pour assurer la sécurité énergétique», avait-il déclaré, cité dans un communiqué.
L’annonce de la Russie est intervenue en parallèle à celles de l’Arabie saoudite, de l’Irak, des Emirats Arabes Unis, d’Oman, du Koweït, de l’Algérie et du Kazakhstan.
L’Arabie saoudite va réduire sa production de 500 000 bpj, l’Irak de 211 000 bpj, les Emirats de 144 000 bpj, le Koweït de 128 000 bpj, le Kazakhstan de 78 000 bpj, l’Algérie de 48 000 bpj et Oman de 40 000 bpj.
Ces baisses, qui auront toutes lieu à partir de mai jusqu’à fin 2023, ont fait bondir les prix du pétrole ce lundi matin, le baril de Brent de la mer du Nord s’approchant des 84 dollars et celui de West Texas Intermediate (WTI) des 80 dollars vers 10h30 GMT.
«Elément de surprise»
Ces annonces sont intervenues alors que doit se tenir, ce lundi, une réunion par visioconférence du Comité ministériel conjoint de suivi (JMMC), un panel de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et de leurs alliés (Opep+).
En février dernier, les membres du JMMC avaient «réaffirmé leur engagement» envers l’accord décidé en octobre, qui les avait engagés à une coupe drastique de leur production de deux millions de bpj pour soutenir les prix. Il s’agissait alors de la plus importante réduction depuis le début de la pandémie de Covid-19.
Cette nouvelle baisse de la production, qui s’ajoute à celle décidée en octobre, intervient malgré des appels des Etats-Unis d’Amérique à augmenter le nombre de bpj, sur fond d’inflation galopante alors que la Chine, le pays le plus gourmand en or noir, rouvre son économie après s’être repliée sur elle-même pendant la pandémie de Covid-19. L’annonce d’octobre avait été vécue comme un camouflet par Washington qui redoutait une envolée des prix des carburants sur fond d’inflation élevée.
Cette nouvelle coupe «intervient après que les prix du pétrole ont atteint en mars leur plus bas niveau en deux ans (…) à moins de 80 dollars pour le baril de Brent, un niveau inacceptable pour les membres de l’Opep+», explique à l’AFP Ibrahim al-Ghitani, expert du marché pétrolier, basé aux Emirats. Les réductions «changeront les mécanismes du marché et soutiendront les prix au-delà de leur niveau actuel», assure-t-il.
La demande en pétrole est menacée par «la perspective d’une haute inflation et des pressions récessionistas», signale Yesar al-Maleki, analyste au « Middle East Economic Survey, » mettant lui aussi en cause les remous suscités par la faillite de la banque états-unienne SVB et le sauvetage de Crédit Suisse.
Si la nouvelle baisse «n’est pas entièrement inattendue», affirme l’expert, elle «comporte un élément de surprise, en ce qui concerne les volumes», car ceux-ci «s’ajoutent à la coupe de 2 millions de bpj consentie en octobre 2022 et prolongée jusqu’à fin 2023.»
Joseph Kouamé