Après la visite à Tunis d’un trio européen composé d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, de Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien et de Mark Rutte, Premier ministre néerlandais, les Tunisiens ont fait savoir qu’ils ne seront pas les garde-côtes de l’Union Européenne.
L’Italie et l’Union Européenne, moyennant une grosse somme d’argent, comptaient sur la Tunisie pour lutter contre l’immigration illégale vers l’Europe. Cependant, le président tunisien, Kaïs Saïed, a fait savoir qu’il refusait que son pays joue le rôle de « garde-frontières » pour les Européens.
« La Tunisie refuse d’être un pays de transit ou un lieu d’établissement », a déclaré le chef de l’Etat, alors que Bruxelles veut pouvoir y renvoyer des migrants d’autres nationalités. L’accord proposé prévoyait, en effet, d’équiper et financer davantage le pays afin de contrer les départs illégaux depuis ses rivages.
Avec un financement de 105 millions d’euros ,près de trois fois plus que les montants annuels alloués jusqu’ici, les Européens s’attendaient à ce que la Tunisie renforce sa lutte contre l’immigration illégale.
Si Tunis collabore officiellement avec Rome depuis 2011 pour permettre le rapatriement de migrants irréguliers tunisiens, le nouveau pacte de l’UE est susceptible de lui imposer la réadmission de migrants y ayant seulement transité. La possibilité de renvoyer des demandeurs d’asile vers un « pays tiers sûr » est prévue dans l’accord obtenu le 8 juin, sous la pression de l’Italie, entre les ministres de l’intérieur des 27 Etats membres de l’UE, dans le cadre du « pacte sur la migration et l’asile ».
Ursula von der Leyen avait annoncé, dimanche, qu’un protocole d’entente entre la Tunisie et l’UE devrait être signé avant la fin du mois pour être discuté lors du prochain Conseil européen, prévu les 29 et 30 juin, sans que le contenu des négociations n’ait été communiqué. « La Tunisie refuse d’être un pays de transit ou un lieu d’établissement », a rétorqué Kaïs Saïed mercredi, estimant que « le phénomène de la migration ne peut être abordé qu’en éliminant les causes et non en se limitant au traitement des conséquences ».
Ce ne sont pas des mots qui rassureraient la Premier ministre italienne, Giorgia Meloni. Ce dernier, accompagné du Premier ministre néerlandais Mark Rutte, et de la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, a rencontré le président Kais Saïd à Tunis le 11 juin. A l’issue de la rencontre, Giorgia Meloni s’est dite « très contente » de la déclaration conjointe de l’Union Européenne et de la Tunisie. De tels échanges entre les pays du Maghreb et l’Italie ne sont pas nouveaux.
Lors d’une conférence diplomatique en Tunisie, en janvier dernier, le ministre italien des Affaires étrangères a déclaré que l’Italie était ouverte à l’acceptation d’immigrants tunisiens plus « ordinaires ». Des dizaines de navires transportant des immigrés illégaux ont quitté la côte tunisoise ces derniers mois, à condition que Tunis fasse davantage pour lutter contre l’immigration clandestine par voie maritime.
En outre, Rome a promis de fournir un soutien financier à la Tunisie pour parvenir à la stabilité. Le 7 juin, le Premier ministre, Giorgia Meloni, a déclaré que l’Italie avait l’intention de protéger la Tunisie en envoyant environ 750 millions de dollars d’aide à la Tunisie au Fonds monétaire international (FMI), en envisageant d’éventuels renflouements. La Tunisie a actuellement 80% de son PIB endetté.
Parmi les annonces faites par la présidente de la Commission, 900 millions d’euros d’assistance financière devraient être débloqués à condition que la Tunisie parvienne à trouver un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) sur un prêt de 1,9 milliard de dollars (1,75 milliard d’euros). L’exécution de cet accord acté depuis octobre 2022 a été reportée à la suite du refus de Kaïs Saïed de se plier aux « diktats » imposés par l’institution financière.
Avec certaines zones du littoral tunisien situé à moins de 150 km de l’île italienne de Lampedusa tandis que la Méditerranée centrale a été la route maritime la plus prisée des clandestins ces derniers mois, de tels propos n’ont pas dû contribuer à ramener la sérénité au sein de l’exécutif italien.
Par ailleurs, les pays de l’Union Européenne (UE) ont conclu, il y a quelques jours, un accord sur le droit d’asile prévoyant notamment le renvoi des demandeurs déboutés vers leur pays d’origine ou vers un pays de transit considéré comme « sûr ».
Joseph Kouamé