Paléoanthropologie : Les plus anciennes gravures «intentionnelles» d’Europe ne sont pas l’œuvre de Cro-Magnon

Homo Néandertal aurait créé les plus anciennes gravures de France, et peut-être d’Europe, il y a plus de 57 000 ans. (Source « Science et vie »).

Selon un récent communiqué du CNRS, des gravures pariétales, dans la grotte de la Roche-Cotard (Indre-et-Loire) viennent d’être datées de plus de 57 000 ans, et remontent vraisemblablement à environ 75 000 ans.

Les gravures, effectuées avec les doigts, découvertes en 1970, selon l’archéologue Jean-Claude Marquet, seraient les plus anciennes de France, et probablement d’Europe, connues à ce jour. Dans le papier paru dans la revue PlosOne ce mercredi 21 juin 2023, une équipe internationale de paléontologues et de géologues soutient qu’il s’agit de l’œuvre du Néandertal, les Homo sapiens sapiens (Cro-Magnon) ayant fait leur apparition en Europe, il y a ‘’seulement’’ 54 000 ans.

La grotte de La Roche Cotard est située près du village de Langeais sur les rives de la Loire, en France. Enclavé par les sédiments jusqu’à la fin du 19e siècle, le site est connu pour ses importants sites archéologiques et paléontologiques qui fournissent de précieuses informations sur l’histoire de la région. Le site est connu pour avoir été habité par des hommes préhistoriques il y a des dizaines de milliers d’années, comme en témoigne la découverte d’outils en pierre, d’ossements d’animaux et de sites d’habitation. 

Si vous ne faites pas attention, vous risquez de manquer le balisage de la paroi orange de la grotte de la Roche Cotard. Les murs ocres d’un site paléolithique à Langeais, en Indre-et-Loire, sont peints de lignes qui rappellent les courbes laissées dans le sable par les enfants. D’autres, davantage alignées et rapprochées, donnent une certaine régularité intentionnelle aux motifs. À certains endroits, il est plus précis de parler de ‘’points’’ rupestres.

Le quotidien Suisse, « Le Temps », a modélisé les principaux murs décorés de la grotte, où on peut constater les empreintes artistiques de l’hominidé identifié dans l’étude comme étant le Néandertal.

Une œuvre intentionnelle de Néandertal


Pourquoi les archéologues sont-ils convaincus qu’il s’agit de l’œuvre de Néandertal ? La cavité située dans la vallée de la Loire fut découverte en 1846, lors de travaux d’excavation. Véritablement explorée en 1912 pour la première fois, des outils en pierre attribués à l’Homme de Néandertal ont été retrouvés dans la grotte.

«En 1975, j’ai appelé le nouveau propriétaire du terrain qui m’a permis de travailler dans la grotte », explique Jean-Claude Marquet, géologue et auteur principal de l’étude de juin 2023, au journal suisse Le Temps. C’est alors que les marques sont repérées pour la première fois, mais « on m’aurait pris pour un imbécile si j’en avais parlé, car à l’époque l’Homme de Néandertal était considéré comme une brute ». En contraste, les traces ont l’air « délibérées », ou « non-ambiguë » pour reprendre le titre du papier sur PlosOne, une forme « d’expression symbolique ».

De surcroît, selon Jean-Claude Marquet, « L’humain moderne, Homo Sapiens Sapiens, n’est […] entré dans cette grotte qu’en 1912, pas avant. […] Avant Néandertal, la grotte était occupée par des animaux comme des ours, des lions et des blaireaux qui laissent des traces qui n’ont rien à voir.» Aussi, les chercheurs ont eu recours à la technique de luminescence stimulée optiquement (OSL), qui consiste à examiner les grains de quartz. Permettant de dater la dernière fois qu’un sédiment a été soumis aux rayonnements solaires et cosmiques, elle a révélé que «que la grotte a été fermée il y a environ 57 000 ans», avant l’apparition des Homo sapiens. La base de la principale couche de limons de débordement de la Loire, recouvrant les couches archéologiques, de son côté, remonte à environ 75 000 ans.

« Il ne faut plus être surpris quand on retrouve du matériel complexe provenant de cette espèce…», affirme le paléoanthropologue Antoine Balzeau, chercheur au CNRS et au Musée de l’Homme à Paris. En effet, cette nouvelle percée dans les nombreux mystères qui entourent les hominidés, n’est qu’une addition (bien que significative) à une liste croissante d’indication d’un être plus complexe qu’il ne paraît.

Déjà, en 2018, des peintures rupestres trouvées sur trois sites différents en Espagne furent datées de plus de 64 000 ans, même si la datation fait encore débat dans la communauté des archéologues. Cela explique par ailleurs pourquoi celles de Roche-Cotard ne sont pas sans conteste les plus vieilles d’Europe. Aux dessins pariétaux s’ajoutent des gravures sur os, comme celui trouvé dans le Nord de l’Allemagne.

Quant à savoir ce que les créations veulent dire, à ce jour, « il n’y a rien qui puisse nous permettre de comprendre précisément ces populations», explique l’archéologue Ludovic Slimak.

Angèle Reiner

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