La France et l’Allemagne s’opposent à la prolongation des restrictions sur les importations de céréales ukrainiennes qui ont été imposées en avril par cinq pays voisins de l’Ukraine : (Pologne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Slovaquie), pour protéger leurs marchés locaux. (Avec AFP).
Ce débat intervient peu de temps après que la Russie ait refusé de renouveler l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes par la mer Noire.
L’UE se pose la question de prolonger les restrictions concernant les céréales ukrainiennes. À la fin d’avril, la Commission européenne a autorisé cinq États voisins de l’Ukraine (Pologne, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie) à interdire la commercialisation de blé, maïs, colza et tournesol ukrainiens sur leur territoire, à condition que le transit vers d’autres pays ne soit pas entravé. Ces restrictions temporaires visaient à atténuer l’impact de l’afflux massif de produits agricoles ukrainiens sur les marchés locaux, afin d’éviter la saturation des silos et l’effondrement des prix. Initialement prévues jusqu’à mi-septembre, ces mesures font maintenant l’objet d’une demande de prolongation jusqu’à la fin de l’année émanant des cinq États.
L’éventualité d’une prolongation est jugée « inacceptable » par Kiev. «Toute extension des restrictions est absolument inacceptable et franchement anti-européenne. L’Europe a la capacité institutionnelle d’agir plus rationnellement plutôt que de fermer la frontière à une marchandise particulière », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lundi 24 juillet, sur les réseaux sociaux.
Cette prolongation a également été vivement critiquée par plusieurs des Vingt-Sept Etats membres de l’UE, dont la moitié s’était déjà opposée au printemps à ces restrictions accordées aux 5 pays, dénonçant des distorsions au sein du marché commun.
« Nous sommes solidaires de la Pologne : nous sommes prêts à l’aider financièrement, nous disposons pour cela de mécanismes d’aide appropriés. Ce qui est inacceptable, c’est qu’on résolve des problèmes électoraux sur le dos de l’Ukraine », a estimé le ministre allemand de l’Agriculture Cem Özdemir, en référence aux élections polonaises de fin 2023. « La Commission doit maintenant dire clairement que ce n’est pas possible. Ces mesures sont limitées dans le temps, il est inacceptable que certains États membres passent outre les traités en vigueur », a poursuivi le ministre allemand.
Éviter une décision unilatérale
Mais la Pologne ne l’entend pas de cette oreille. « Soit la Commission accepte de préparer (…) des réglementations pour prolonger cette interdiction, soit nous le ferons nous-mêmes », avait insisté le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, disant défendre les agriculteurs de son pays.
« Il ne peut y avoir de mesures unilatérales, ni d’aventure individuelle, ce n’est que collectivement qu’on fera face au défi d’une déstabilisation des marchés (…), ça ne peut pas être décidé seul parce que sinon, il y a un report (des céréales) sur les autres pays », a déclaré Marc Fresneau, le ministre de l’Agriculture français. Ce dernier appelle à une « discussion collective », même s’il a reconnu des perturbations sur les marchés français des œufs et de la volaille en provenance d’Ukraine qui représentent, depuis plus d’un an, plus de 50% des volailles misent sur le marché français – mais qui n’a empêché en rien la forte augmentation de leurs prix pour les consommateurs, en plus de ne pas être au normes sanitaires, françaises, ni même de l’UE.
Cette demande de prolongation intervient quelques jours après que Moscou a annoncé la fin « de facto » de l’accord de la mer Noire qui permet à l’Ukraine d’exporter ses céréales par ces eaux. Depuis un an, il a permis de sortir près de 33 millions de tonnes de grains des ports ukrainiens, en dépit du conflit. Volodymyr Zelensky a quant à lui affirmé que Kiev était disposée à continuer ses exportations de céréales via la mer Noire malgré les dernières annonces russes : « Même sans la Russie, tout doit être fait pour que nous puissions utiliser ce couloir (pour les exportations) en mer Noire. Nous n’avons pas peur », a indiqué le président ukrainien, selon des propos partagés par son porte-parole Serguiï Nykyforov, sur Facebook.
La production de l’Ukraine est considérée comme cruciale pour éviter une flambée des prix des denrées sur le marché mondial, ce qui pourrait entraîner une crise alimentaire dans les pays les plus vulnérables. Sauf que ceux qui affirment cela, faisant passer la Russie pour le « méchant qui provoque la famine dans les pays pauvres » n’est rien d’autre que de la propagande. Pour preuve, depuis l’application du premier accord permettant la sortie des céréales ukrainiennes à destination du monde entier, ce ne sont même pas 4% de celles-ci qui sont allées aux pays du tiers-monde, raison pour laquelle le marché européen est, à présent, surchargé et met en péril les agricultures nationales des pays de l’UE. D’ailleurs, le premier navire céréalier, autour duquel tous les médias du monde avait fait tant de bruit, du fait qu’il devait aller au Liban, qui souffre d’une effroyable crise, aussi bien politique, qu’économique (et donc, alimentaire), avait stationné plusieurs jours en Turquie pour, finalement, changer de destination, l’Ukraine ayant augmenté considérablement le prix des céréales de cette livraisons, à un tel point que le Liban n’avait plus les moyens financiers pour l’acheter, et que l’Ukraine a tout simplement attendu plus d’une semaine supplémentaire pour le vendre au pays le plus offrant. D’ailleurs, l’Ukraine vend si cher ses céréales que, dans les moins de 4% qui sont allés vers le tiers-monde, une partie l’a été grâce à l’achat, majoritairement par la France, et avec quelques autres pays européens, de cargaisons à l’Ukraine, pour les « offrir » à des pays d’Afrique sub-saharienne – tout cela passé sous silence par la quasi totalité de la presse occidentale, pour ne pas enrailler la propagande de guerre contre la Russie… Bien entendu.
Depuis la fin de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, l’UE s’efforce de renforcer les capacités logistiques de ses corridors terrestres et fluviaux pour acheminer ces grains à travers l’Europe. Au cours des dernières semaines, des camions et des trains ont été utilisés pour transporter du grain depuis l’Ukraine via un couloir de solidarité, tandis que des bateaux ont utilisé le Danube pour le transport de marchandises, selon les informations du cabinet Agritel. En mars 2022, le Danube permettait de transiter 20 000 tonnes de céréales par mois, mais ce chiffre a atteint 2 millions de tonnes en mars 2023 grâce à ces alternatives. C’est grâce à ces mesures que le marché n’a pas réagi immédiatement à l’annonce de la suspension de l’accord d’exportation des céréales ukrainiennes.
Cependant, à partir de la nuit du 18 au 19 juillet, lorsque des frappes ont touché des silos à Odessa et détruit une partie de la production de grain, les prix ont augmenté, entraînant une escalade des tensions et des incertitudes, ce qui a provoqué une hausse des prix. Cette situation s’est intensifiée dans la nuit de dimanche à lundi lorsque des frappes ont touché des ports d’embranchement du Danube, remettant ainsi en question les alternatives au corridor maritime. Le 17 juillet, les prix du blé européen étaient de 230 euros/tonne, tandis que quelques jours plus tard, le 24 juillet, ils avaient atteint 260 euros/tonne.
Didier Maréchal & Christian Estevez