En Colombie, la débâcle du marché de la cocaïne entraîne la chute de familles entières dans la misère

En Colombie, la baisse du marché de la cocaïne cause des souffrances aux familles et aux producteurs de coca, nombreux sont ceux qui en pâtissent.

Selon le journal britannique « The Guardian », le marché de la coca, une plante essentielle à la production de cocaïne et un pilier économique de plusieurs régions de Colombie, est au bord de l’effondrement. Depuis plusieurs mois, de nombreuses familles et agriculteurs qui sont impliqués dans la culture de cette plante font face à d’importantes difficultés pour subvenir à leurs besoins, car il n’y a tout simplement aucun acheteur.

Environ 400 000 familles colombiennes dépendent principalement des revenus générés par la culture de la coca, mais à présent, dans les départements de Cauca et de Putumayo, le prix de la pâte de coca a chuté de 0,75 dollar à environ 0,35 dollar par gramme, comme le rapporte le journal britannique.

Même s’il est difficile de déterminer avec certitude les raisons exactes du déclin du marché, « The Guardian » met en lumière l’opinion de certains experts qui suggèrent que cela pourrait être lié à la montée spectaculaire et dangereuse du fentanyl aux États-Unis d’Amérique. Le fentanyl est un opioïde 20 à 40 fois plus puissant que l’héroïne et 100 fois plus puissant que la morphine, ce qui pourrait avoir joué un rôle dans ce déraillement.

En effet, selon un récent article publié par le journal espagnol « El País », en juillet 2023, le président colombien Gustavo Petro a déclaré que les exportations de cocaïne ont connu une forte baisse en raison de l’augmentation de la dépendance au fentanyl aux États-Unis d’Amérique, qui sont les principaux acheteurs de cocaïne en provenance de Colombie.

Dans une interview accordée à « Insight Crime », Diego García Devis, responsable de l’équipe politique en matière de drogues chez « Open Society Foundations », avance également l’idée que cet effondrement du marché pourrait être attribué à l’absence d’acheteurs et à des criminels organisés qui semblent désormais créer leurs propres opérations de culture. Il souligne cependant que cette tendance varie selon les régions de la Colombie. D’après « InsightCrime », certains trafiquants de drogue qui auparavant se contentaient d’acheter de la coca auprès des producteurs, semblent désormais prendre en charge l’intégralité du processus de production, y compris la culture elle-même.

Alors que le Guardian évoque l’idée d’une surabondance comme possible cause du crash de ce marché, Cristian José Arias Barrera, spécialiste des liens entre la coca et les violences en Colombie, rejette complètement cette hypothèse.

L’emprise des cartels mexicains sur le trafic de cocaïne en Colombie aurait aussi contribué à porter préjudice aux producteurs de coca du pays. Un article de « Diálogo Americas » explique clairement que, depuis plusieurs années, des groupes mexicains ont considérablement intensifié leurs opérations sur le sol colombien. « Aujourd’hui, les cartels mexicains contrôlent tout, de la feuille de coca jusqu’à la vente de cocaïne dans un coin de New York. Ils sont plus puissants que Pablo Escobar ou Carlos Castaño », a rapporté le président colombien, alors sénateur, dans un tweet datant de 2019.

Les causes sont donc extrêmement difficiles à cerner et García Devis souligne qu’il n’y a « pas d’explication unique à ce phénomène ».

Alors que les spéculations fusent, le gouvernement colombien, lui, voit en cette dégradation du marché illicite une nouvelle opportunité de transition pour les familles économiquement dépendantes de la coca. Ainsi que le rapporte « El País », le président colombien a déclaré qu’il est désormais temps d' »intégrer » ces communautés dans des « circuits de progrès que d’autres territoires ont connu ».

« La coca est une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles. Depuis plusieurs décennies, c’est ce vers quoi les gens se tournent en cas de crise, par exemple lorsque d’autres récoltes échouent. La question est donc : vers quoi peuvent-ils se tourner maintenant ? », a déclaré Elizabeth Dickinson, analyste principale pour la Colombie à l’International Crisis Group, au Guardian.

Un récent article publié par « Colombia Reports » fait mémoire du fait que Gustavo Petro avait essayé, en 2016, de mettre en place un programme visant à substituer les cultures de coca en collaboration avec les FARC, mais cette initiative avait été rapidement interrompue par l’administration de l’ancien président colombien, Iván Duque. En conséquence, les producteurs qui avaient complètement éliminé leurs plantations de coca ont été contraints de reprendre cette culture.

Aujourd’hui, selon le Guardian, certaines communautés colombiennes ont choisi de retourner à des cultures légales comme le plantain, la yuca et la canne à sucre. Cependant, il existe également la possibilité que certains producteurs de coca se tournent vers d’autres activités illicites, comme l’exploitation minière illégale. La question se pose donc de savoir comment le gouvernement colombien mettra en œuvre son assistance pour faciliter la transition vers des activités légales et durables, afin de venir en aide aux populations menacées par la famine.

Joseph Kouamé

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