Enfin, nous comprenons la raison pour laquelle nous n’héritons que de l’ADN mitochondrial de nos mères

Contrairement à notre information génétique globale, qui est partagée de manière égale par nos deux parents, l’ADN contenu dans les mitochondries est exclusivement hérité de la mère. (Source : « Sciences et Avenir »).

Chaque enfant hérite de la moitié de son matériel génétique de chacun de ses parents biologiques, qui est organisé en 23 paires de chromosomes (chaque paire comprenant un chromosome maternel et un chromosome paternel), à une exception près : l’ADN mitochondrial. Contrairement aux chromosomes, l’ADN mitochondrial n’est pas situé dans le noyau cellulaire, mais plutôt dans les mitochondries, des organelles responsables de la production d’énergie essentielle pour nos cellules.

Cet ADN mitochondrial (ADNmt) est donc d’une grande importance, car il code pour les protéines qui vont permettre de produire cette énergie. Malgré cette importance (ou peut-être à cause d’elle), la Nature a « décidé » que seulement les mères pouvaient transmettre cet ADNmt (probablement pour protéger ces usines énergétiques d’une trop grande variabilité génétique). On ne savait pas comment l’embryon faisait pour éliminer l’ADN venant des mitochondries des spermatozoïdes, mais des chercheurs de l’Université Thomas Jefferson, à Philadelphie (États-Unis d’Amérique) viennent d’élucider ce mystère dans un article publié le 18 septembre 2023 dans la revue « Nature Genetics » : il n’a pas besoin d’éliminer l’ADN de ces mitochondries parentales, tout simplement parce qu’elles n’en ont pas !

Les spermatozoïdes se vident de leur ADN mitochondrial en mûrissant

Les chercheurs ont fait cette découverte en analysant la quantité d’ADNmt contenu dans les mitochondries des spermatozoïdes lors de leur développement. À la première étape de ce processus, les cellules souches qui produiront les spermatozoïdes (nommées spermatogonies) ont une grande quantité d’ADN mitochondrial. Ces spermatogonies se différencient ensuite en spermatocytes, qui eux avaient déjà un peu moins d’ADN mitochondrial. Et à l’étape finale, les spermatozoïdes n’avaient plus du tout d’ADNmt détectable. Ainsi, même si ces gamètes mâles apportent environ une centaine de mitochondries lors de leur rencontre avec l’ovocyte (ou ovule), ils n’ont plus aucune molécule d’ADNmt à donner à leur descendance.

Une protéine essentielle est stoppée

Cette disparition du matériel génétique des mitochondries des spermatozoïdes est due à une incapacité à renouveler leur ADN, car ces cellules ne produisent plus certaines des protéines nécessaires à la réplication de l’ADN mitochondrial. Pourtant, elles ont une grande quantité d’une autre protéine mitochondriale (mais codée par l’ADN du noyau cellulaire), le facteur de transcription mitochondrial A (TFAM).

En regardant de plus près, les chercheurs ont découvert que le TFAM des spermatozoïdes était différent de celui observé habituellement. Cette protéine est plus longue, car elle garde encore un fragment normalement enlevé dans la mitochondrie au moment de sa maturation. Aussi, elle ne se concentre pas dans ces organelles (comme elle le fait d’habitude dans les autres cellules), mais reste entassée dans la tête du spermatozoïde, dans le noyau cellulaire. Cette concentration dans le noyau est corrélée avec la disparition de l’ADNmt, montrant que sans cette protéine, les mitochondries sont incapables de renouveler leur ADN.

Un processus essentiel pour que l’embryon parte sur de bonnes bases

Maintenant, il reste à comprendre comment le transport de TFAM vers la mitochondrie est bloqué, et surtout pourquoi. Plusieurs hypothèses existent pour expliquer cette « décision évolutive » d’éliminer l’ADN mitochondrial paternel, mais aucune n’a été encore prouvée.

Certains scientifiques proposent que le fait d’avoir une seule origine pour cet ADNmt dans l’embryon évite des problèmes d’hétéroplasmie. Ce dernier survient lorsque différents types d’ADN cohabitent dans la mitochondrie, ce qui peut causer une instabilité génétique et, en conséquence, des problèmes dans le fonctionnement mitochondrial.

Les auteurs de l’étude envisagent aussi la possibilité que l’élimination de l’ADNmt paternel pourrait avoir comme but d’assurer un ADNmt tout frais dans l’embryon. Car les spermatozoïdes utilisent énormément d’énergie pour atteindre l’ovocyte, poussant à fond leurs mitochondries. Cet effort pourrait avoir comme conséquence une accumulation de mutations dans l’ADN mitochondrial des spermatozoïdes, des mutations qui ensuite passeraient à l’embryon avec de possibles conséquences sur sa production énergétique. Alors que l’ADNmt de l’ovocyte est beaucoup moins sollicité (car il puise son énergie des cellules environnantes) et donc reste en meilleure forme. Assurant ainsi que l’embryon repartira avec « un moteur tout neuf sous le capot ».

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