Les membres du coup d’État au Niger ont annulé une loi datant de huit ans qui criminalisait le trafic des immigrants dans le pays.
La législation autorise les autorités à prendre des mesures contre les passeurs qui transportent des immigrants à travers le vaste désert du Niger vers la Libye et l’Europe. Mais le président Mohamed Bazoum qui avait travaillé avec l’UE pour endiguer le flux de personnes à travers la Méditerranée a été renversé en juillet dernier, lors d’un coup d’État. Le général Abdourahmane Tchiani s’est depuis déclaré nouveau chef de l’Etat.
Le conflit entre l’Europe et Niamey prend une nouvelle tournure centrée cette fois sur la question des migrations. En effet, la junte vient de révoquer une loi adoptée en 2015 qui sanctionnait le trafic illégal d’immigrants au Niger, un point de passage clé pour ce trafic en direction de l’Europe.
« Le président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, régime militaire), le général Abdourahamane Tiani, a signé (ce samedi 25 novembre) une ordonnance portant abrogation » d’une loi du 26 mai 2015 « relative au trafic illicite de migrants », indique un communiqué du secrétariat général du gouvernement lu à la radio et à la télévision publiques ce lundi 27 novembre au soir.
Les condamnations effacées
Cette loi qui « érige et incrimine en trafic illicite certaines activités par nature régulières », avait « été votée sous l’influence de certaines puissances étrangères », affirme le communiqué.
En outre, elle « a été prise en contradiction flagrante avec nos règles communautaires » et « ne prenait pas en compte les intérêts du Niger et de ses concitoyens ». Le CNSP a donc « décidé de l’abroger » en raison « de tous (ses) effets néfastes et (de son) caractère attentatoire aux libertés publiques ». « Les condamnations » et « leurs effets » prononcés en application de la loi abrogée « sont effacés à compter du 26 mai 2015».
Votée le 26 mai 2015 par l’Assemblée nationale, cette loi prescrivait des peines « de un à trente ans de prison » et « des amendes de 3 millions à 30 millions de francs CFA » (4 500 à 45 000 euros) contre les trafiquants.
Depuis son entrée en vigueur, et avec l’appui financier de l’Union Européenne, la surveillance, y compris militaire, avait été renforcée dans le désert de la région d’Agadez (Nord), important point de transit pour de milliers de ressortissants ouest-africains candidats à l’émigration vers l’Europe, via l’Algérie ou la Libye. Des dizaines de personnes travaillant dans les réseaux de l’ immigration clandestine ont été arrêtées et emprisonnées, de nombreux véhicules de convoyeurs de migrants confisqués.
La loi de 2015 n’a cependant pas dissuadé les immigrants qui ont changé d’itinéraires, en empruntant des routes plus dangereuses à travers le désert par de nouvelles pistes sans points d’eau ni repères ou possibilités d’être éventuellement secourus. De nombreux immigrants ouest-africains se rassemblent généralement à Agadez où sont installés des réseaux de passeurs. Selon les autorités de la ville, il est fréquent que des véhicules transportant des immigrants tombent en panne dans le désert, ou que les passeurs se perdent ou abandonnent leurs passagers par crainte des barrages ou des patrouilles militaires. Certains immigrants meurent de déshydratation.
Le Niger est dirigé depuis le 26 juillet par le général Tiani, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat ayant renversé Mohamed Bazoum, président élu en 2021 et toujours séquestré à Niamey dans sa résidence. Le régime militaire s’est éloigné des pays européens jusqu’alors partenaires privilégiés du Niger, notamment la France, pour se rapprocher en particulier de deux de ses voisins également dirigés par des militaires, après des coups d’Etat, le Mali et le Burkina Faso.
Joseph Kouamé