La première manifestation contre la politique du nouveau président argentin, Javier Milei, a été beaucoup moins suivie. Il faut dire que la possibilité de manifester est très restreinte à présent. D’après le récent protocole en matière de maintien de l’ordre, les Argentins ne sont plus autorisés à manifester dans les rues, mais doivent plutôt le faire sur les trottoirs afin de ne pas perturber la circulation, sous peine de sanctions.
Une première manifestation en demi-teinte en Argentine. Les organisations de gauche ont organisé, ce mercredi 20 décembre, un premier rassemblement à Buenos Aires, moins d’une semaine après l’annonce par Javier Milei de ses premières mesures économiques d’urgence. Dévaluation de plus 50% de la monnaie – le peso est passé de 360 à 800 pour 1 dollar -, réduction de moitié des ministères, élimination des subventions aux énergies et aux transports… Dix mesures pour éviter une crise plus profonde, justifie le ministre de l’Economie, Luis Caputo : « Notre mission est d’éviter une hyperinflation. L’origine de nos problèmes a toujours été d’ordre fiscal. »
Sauf que la dévaluation importante du peso a provoqué un premier boom des prix. « Le pouvoir d’achat des Argentins est déjà très bas, mais ce gouvernement va finir par le détruire, s’indigne José, du syndicat des professionnels du pneu. Le gouvernement demande au peuple de faire un effort mais on ne permettra pas que les gens meurent de faim en attendant que les choses s’améliorent. »
Dans un contexte tendu, 25 000 personnes ont défilé dans le centre de la capitale argentine, initialement sur le trottoir avant d’occuper toute la rue. Ce geste, loin d’être anodin, intervient après l’instauration d’un nouveau protocole de maintien de l’ordre par la ministre de la Sécurité, adoptant une position très stricte. Désormais, en Argentine, les manifestants sont tenus de protester sur les trottoirs plutôt que sur la chaussée pour éviter toute perturbation de la circulation, sous peine de sanctions. « Les travailleurs vont descendre dans la rue de toute façon », réplique José. La police a bien tenté de résister mercredi, mais a finalement laissé passer la foule, au vu de la quantité de manifestants.
Arrivés sur la Place de Mai encerclée par les forces de l’ordre, les manifestants tentent de garder leur calme malgré cette présence intimidante. « Beaucoup de gens avaient envie de manifester aujourd’hui mais ils ont eu peur de venir. Des bus ont même été contrôlés, s’indigne Alba, retraitée. Ils ont fait descendre des gens qui avaient des drapeaux ou des tee-shirts d’organisations sociales. Ça, c’est revenir à un état de siège ! ». »C’est ridicule parce qu’on fête cette année 40 ans de démocratie et le gouvernement sort un protocole digne de la dictature. » Déclare Alba, retraitée.
Sur les 50 000 personnes prévues, la moitié seulement est donc venue manifester, par peur de perdre leurs allocations ou par crainte de la répression. L’opération de dissuasion de Milei semble donc avoir fonctionné. Le gouvernement s’est d’ailleurs dit très satisfait de cette journée, célébrant sa gestion face à ce qu’il a qualifié d’un air moqueur de « mini-manifestation ».
Joseph Kouamé