UE : plusieurs pays, dont la France, bloquent le projet de directive sur le statut des « travailleurs indépendants » (Uber, Deliveroo, etc…)

La présidence espagnole de l’UE n’a pas obtenu une majorité suffisante au sein du Conseil sur le texte du statut des travailleurs indépendants, très critiqué par les entreprises du secteur. Des négociations vont donc devoir reprendre l’an prochain pour tenter de parvenir à un nouvel accord.

Coup d’arrêt pour le projet de directive européenne visant à réglementer les conditions de travail de l’Uber. Vendredi 22 décembre, la présidence espagnole de l’UE a indiqué ne pas disposer d’une majorité suffisante au sein du Conseil sur ce texte très critiqué par les entreprises du secteur. Des négociations vont donc devoir reprendre l’an prochain avec le Parlement et la Commission pour tenter de parvenir à un nouvel accord.

Deux années d’intense lobbying n’ont pas suffi. Mercredi 13 décembre, l’Union Européenne a infligé un coup de massue à Uber, Deliveroo et toutes les autres sociétés dont le modèle repose sur le recours à des travailleurs indépendants : elle a trouvé un accord pour réglementer les conditions de travail dans le secteur.

La mesure phare de la directive européenne, dont tous les détails n’ont pas encore été rendus publics, prévoit d’accorder le statut de salarié aux chauffeurs et aux livreurs, leur garantissant ainsi de bénéficier d’un salaire minimum, de congés payés et d’une protection sociale. Jusqu’à 5,5 millions de personnes pourraient être concernées par ces nouvelles règles, pour des coûts additionnels estimés à 4,5 milliards d’euros par an.

Deux critères à remplir

Le texte prévoit que ces « travailleurs indépendants » seront désormais « présumés » employés si deux critères sur cinq sont remplis. Par exemple, si la plateforme fixe le niveau de leur rémunération, supervise leur travail ou leur empêche de choisir leurs horaires. La directive vise aussi à protéger les chauffeurs et les livreurs contre l’utilisation abusive de certaines données personnelles et d’algorithmes, notamment pour décider des fermetures de leur compte. Une supervision humaine sera désormais obligatoire.

Le projet doit encore être définitivement adopté par le Conseil et le Parlement européens. Les pays membres de l’UE auront ensuite deux ans pour la transposer dans leur droit national, ayant la possibilité d’ajouter des critères supplémentaires.

Le recours aux « travailleurs indépendants » a été popularisé par Uber, avec sa plateforme de voitures avec chauffeur. Ce modèle a depuis été répliqué sur de nombreux secteurs d’activité, de la livraison de repas aux tâches ménagères. Cette économie des petits boulots repose sur une main-d’œuvre bon marché, abondante et flexible (autrement dit de l’esclavage moderne pratiqué par le libéralisme économique).

Toutes les entreprises assurent que leur modèle économique ne peut pas fonctionner autrement : salarier leurs travailleurs se traduirait par une hausse des coûts et par un manque de souplesse dans leur fonctionnaire, nécessaire pour pouvoir absorber des pics d’activité. Elles prédisent ainsi des prix plus élevés, des temps d’attente plus longs ou encore des fermetures de service dans les petites villes.

Les dirigeants du secteur mettaient en avant l’exemple d’une loi similaire en Espagne, qui avait conduit « Deliveroo » à quitter le pays. Ou encore les difficultés financières de « Just Eat », qui avait fait le choix de salarier ses livreurs, avant de faire en partie marche arrière. À la place, ils militaient pour une « troisième voie » proposée par « Uber » : un statut hybride, capable de réconcilier la nécessité de préserver le modèle économique avec celle de mieux protéger les chauffeurs et livreurs.

Didier Maréchal

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