France : Loi immigration largement censurée – le gouvernement prend acte, le RN veut un référendum

Ce jeudi 25 janvier, le Conseil constitutionnel a invalidé 32 articles de la loi sur l’immigration, qui en comprenait initialement 86. Cela représente plus d’un tiers des articles rejetés par les « Sages », suscitant des réactions au sein de la classe politique, que ce soit par des censures totales ou partielles. (Source : AFP).

Le jeudi 25 janvier, le Conseil constitutionnel a largement censuré le projet de loi sur l’immigration du gouvernement, en éliminant de nombreuses mesures de fermeté négociées et obtenues par la droite. En détail, les « Sages » de la rue Montpensier ont invalidé plus du tiers des 86 articles, rejetant entièrement ou partiellement 32 d’entre eux.

Ces 32 articles ont été jugés dépourvus de lien suffisant avec le texte. Parmi eux, on note le durcissement de l’accès aux prestations sociales, au regroupement familial, ainsi que l’introduction d’une « caution retour » pour les étudiants étrangers. Trois autres articles sont censurés partiellement ou totalement sur le fond, dont l’établissement de quotas migratoires fixés par le Parlement.

Une décision qui n’a pas manqué de faire réagir la classe politique.

« Le Conseil constitutionnel valide l’intégralité du texte initial du gouvernement », s’est félicité le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur « X ».

A l’inverse, le président du RN, Jordan Bardella, a dénoncé « un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République lui-même ». « La loi immigration est mort-née. La seule solution, c’est le référendum sur l’immigration », a-t-il insisté, alors que l’exécutif a déjà exclu cette option, sachant que tous les sondages sur la question de l’immigration en France donnent aux alentours de 68% d’avis contre la continuité de la politique pro-migratoire française.

35 articles censurés

Obtenue après deux jours de délibérations, la décision du Conseil constitutionnel, scrutée par les associations de défense des sans-papiers comme par toutes les forces politiques du pays, rebat assez largement les cartes, avant la promulgation du texte par Emmanuel Macron.

En effet, 35 des 86 articles du projet de loi ont été totalement ou partiellement censurés par l’institution présidée par l’ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius. Les « Sages » (qui ne méritent plus ce qualificatif depuis déjà de très nombreuses années, prenant des décisions, non pas selon la validité de la constitution française mais à l’aune de leurs convictions politiques de gauche et/ou centre-gauche) ont estimé pour l’essentiel d’entre eux – 32, précisément – qu’ils n’avaient pas leur place dans le périmètre de ce texte de loi. Il s’agit de « cavaliers législatifs », qui pourraient toutefois réapparaître plus tard dans d’autres textes.

Pour l’aile gauche macroniste, très réticente à certaines mesures jusqu’à susciter les états d’âme de plusieurs ministres – Aurélien Rousseau avait démissionné de la Santé -, elle sera accueillie avec un certain soulagement: Emmanuel Macron lui-même avait saisi les « Sages », sans cacher son scepticisme face à plusieurs dispositifs pourtant votés par sa majorité.

Pour Les Républicains (LR), la large censure de nombreuses mesures emblématiques de la droite relance le débat sur une éventuelle réforme constitutionnelle, « plus que jamais indispensable », selon le patron du parti Eric Ciotti. Ce dernier a par ailleurs estimé sur « X » que les « Sages » avaient « jugé en politique plutôt qu’en droit ».

« Emmanuel Macron peut y voir une victoire mais ce sera à double tranchant pour faire des alliances après », a analysé la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, de l’Université de Rouen, interrogée par l’AFP.

Quotas migratoires inconstitutionnels

Très controversée, la mesure allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales (APL, allocations familiales…) a ainsi été totalement censurée.

Idem pour le resserrement des critères du regroupement familial (avec une durée de résidence requise passant de 18 à 24 mois), l’instauration d’une « caution retour » pour les étudiants étrangers ou la fin de l’automaticité du droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France.

L’instauration de quotas migratoires annuels déterminés par le Parlement après un débat obligatoire, elle, a été jugée contraire à la Constitution sur le fond, ce qui fera jurisprudence.

A gauche de l’échiquier politique, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a fait part de sa « satisfaction ». Mais « le gouvernement portera comme une tâche indélébile l’appel à voter » la loi, selon lui. Le coordinateur du parti d’extrême gauche, « la France insoumise », Manuel Bompard, a lui appelé le gouvernement à « retirer » une loi « totalement amputée » après cette large censure.

Le projet de loi conserve néanmoins la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants, l’un des objectifs de Gérald Darmanin.

Sans surprise, l’article sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, qui avait cristallisé les débats de l’automne, perdure dans le texte.

Un peu plus tôt dans la journée, le ministère de l’Intérieur avait publié les chiffres – records – de l’immigration pour 2023, avec une accélération des expulsions comme des régularisations de travailleurs sans-papiers. Des statistiques qui reflètent selon M. Darmanin les « priorités politiques » contenues dans ce projet de loi.

Des dizaines de milliers de personnes avaient encore battu le pavé dimanche contre la loi et entre 100 à 200 opposants se sont rassemblés, ce jeudi, devant le Conseil constitutionnel à Paris en marge de la décision des « Sages ». Il n’en reste pas moins que l’immense majorité des français avaient applaudi le vote de cette loi immigration et que le Conseil Constitutionnel, en en censurant « l’essence », a tout simplement pratiqué un déni de Démocratie, se considérant, comme toujours, comme « la norme du « Bien » « .

Didier Maréchal & Christian Estevez

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