Jeudi 25 janvier, Kenneth Eugene Smith a été tué en Alabama après de douloureuses dizaines de minutes. L’ONU condamne cette méthode, autorisée seulement dans trois États états-uniens, la qualifiant de possible acte de torture. (Source : AFP).
Kenneth Eugene Smith, condamné à mort en 1996 pour meurtre, a été exécuté par inhalation d’azote, ce jeudi 25 janvier au soir, dans une prison de l’Alabama, dans le Sud des États-Unis d’Amérique. C’est la première fois dans le monde que cette méthode, qualifiée de potentielle forme de « torture » par l’ONU, est utilisée.
« Je regrette profondément l’exécution de Kenneth Eugene Smith en Alabama malgré les sérieuses inquiétudes sur le fait que cette méthode non éprouvée de suffocation par l’azote pourrait constituer de la torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant », a estimé Volker Turk, Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU.
L’UE (l’Union Européenne) déplore, de son côté, une exécution « particulièrement cruelle », a indiqué, ce vendredi 26 janvier, un porte-parole de la Commission européenne dans un communiqué. « L’Union européenne regrette profondément l’exécution de Kenneth Eugene Smith en Alabama » jeudi, et déplore une méthode d’exécution « particulièrement cruelle », qui « vient s’ajouter au fait que le prisonnier avait déjà été sujet à une tentative d’exécution ratée en novembre 2022 », souligne-t-il. L’UE rappelle être opposée à la peine de mort « en toutes circonstances ».
Kenneth Eugene Smith, définitivement condamné en 1996 à la peine capitale pour le meurtre d’une femme commandité par son mari, est décédé au pénitencier d’Atmore à 20 h 25 locales (2 h 25 GMT vendredi), 29 minutes après le début de l’exécution, a annoncé un communiqué du procureur général d’Alabama.
« Justice a été rendue. Ce soir, Kenneth Smith a été mis à mort pour l’acte abject qu’il avait commis il y a 35 ans », a déclaré Steve Marshall, affirmant que l’Alabama avait « accompli quelque chose d’historique ».
« Un pas en arrière » pour l’humanité
Selon la chaîne locale du réseau « CBS », dont un journaliste a assisté à l’exécution, les derniers mots de Kenneth Smith ont été : « Ce soir, l’Alabama a fait faire un pas en arrière à l’humanité (…) Je m’en vais avec amour, paix et lumière (…) Merci de m’avoir soutenu. Je vous aime tous. » Jeudi matin, il avait pris un dernier repas composé d’un steak, de galettes de pommes de terre et d’œufs, d’après l’administration pénitentiaire.
Une fois l’exécution débutée, Kenneth Smith « a commencé à se tordre et se débattre pendant approximativement deux à quatre minutes, suivies d’environ cinq minutes de respiration bruyante », a rapporté le média local « AL.com » se fondant sur des témoins. Le condamné semble avoir « retenu sa respiration aussi longtemps qu’il le pouvait », a indiqué aux journalistes le commissaire de l’administration pénitentiaire de l’Alabama, John Hamm.
Son exécution a été la première de l’année aux États-Unis d’Amérique, où 24 ont été réalisées en 2023, toutes par injection létale.
Une précédente tentative par injection létale, le 17 novembre 2022, avait été annulée in extremis, les perfusions intraveineuses pour administrer à Kenneth Eugene Smith la solution mortelle n’ayant pu être posées dans le temps légalement imparti, bien qu’il soit resté attaché plusieurs heures.
Pas de sédation
L’Alabama, situé dans le Sud-Est des États-Unis d’Amérique, est l’un des trois États de ce pays autorisant l’exécution par inhalation d’azote, dans laquelle le décès est provoqué par hypoxie (raréfaction d’oxygène).
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme (HCDH) s’est dit le 16 janvier « alarmé » par l’utilisation d’un « mode d’exécution inédit et non testé, l’hypoxie à l’azote ». Cela « pourrait constituer de la torture ou d’autres traitements cruels ou dégradants au regard du droit international », a prévenu une porte-parole du Haut-Commissariat, Ravina Shamdasani, appelant à un sursis de cette exécution.
Le protocole d’exécution par hypoxie à l’azote de l’Alabama ne prévoit pas de sédation, alors que l’ « Association américaine vétérinaire » (AVMA) recommande d’administrer un sédatif aux animaux euthanasiés de cette façon, a souligné la porte-parole.
« Complètement expérimental »
Tous les recours et demandes de sursis de Kenneth Eugene Smith, 58 ans, ont été rejetés, y compris la veille, mercredi 24 janvier, par la Cour suprême. La plus haute juridiction du pays, à majorité conservatrice, était saisie jeudi d’un ultime recours du condamné, mais n’y a pas fait suite.
Dans ses arguments écrits à la Cour suprême, l’État d’Alabama était même allé jusqu’à présenter l’hypoxie à l’azote comme « peut-être le mode d’exécution le plus humain jamais inventé ».
« Les autorités d’Alabama ont raté trois exécutions de suite en 2022, dont celle de M. Smith », avait souligné la directrice exécutive de l’observatoire spécialisé Death Penalty Information Center (DPIC), Robin Maher. « Elles se sentent peut-être plus à l’aise en passant à un mode d’exécution complètement différent, même s’il est complètement expérimental et n’a jamais été testé », a-t-elle poursuivi dans une interview à l’AFP.
« Je suis encore traumatisé par la dernière fois », avait confié en décembre dernier, dans une interview à la radio publique « NPR », Kenneth Eugene Smith, s’avouant « absolument terrifié » de revivre une tentative d’exécution.
Jurés désavoués
Kenneth Eugene Smith a été reconnu coupable du meurtre, en 1988, d’Elizabeth Dorlene Sennett, 45 ans, commandité par le mari de cette dernière, Charles Sennett, un pasteur lourdement endetté et infidèle, pour faire croire à un cambriolage qui aurait mal tourné.
Malgré le suicide du mari, la police était remontée jusqu’aux deux meurtriers. Le complice de Kenneth Eugene Smith, John Forrest Parker, condamné à la peine capitale, a été exécuté en 2010.
Kenneth Smith a également été condamné une première fois à la peine de mort mais le procès avait été annulé en appel. Lors de son second procès en 1996, 11 des 12 jurés s’étaient prononcés pour une peine de prison à perpétuité. Mais comme au procès de son complice, le juge avait passé outre l’avis des jurés et l’avait condamné à la peine capitale, une possibilité existant à l’époque dans quelques États mais désormais abolie sur l’ensemble du territoire états-unien.
Dans son rapport annuel en décembre, le DPIC précisait que la plupart des prisonniers exécutés en 2023 aux États-Unis d’Amérique « ne seraient probablement pas condamnés à mort aujourd’hui », en raison de la prise en compte notamment des problèmes de santé mentale et traumatismes des prévenus ou de changements législatifs pour infliger la peine capitale.
Pour les cinquante Etats que comptent les Etats-Unis d’Amérique, a peine de mort a été abolie dans 23 États états-uniens, tandis que six autres observent un moratoire sur son application sur décision du gouverneur, les Etats restants la pratiquant encore, dont particulièrement les Etats qui composent ce qui est surnommée la « Bible Belt » (« Ceinture de la Bible » en Français), pour faire référence à ces Etats du Sud du pays qui, chrétiens extrêmement croyants, basent leurs lois et mode de vie sur les commandement bibliques, préférant appliquer la loi du talion « Oeil pour oeil, dent pour dent », de l’ancien testament que le « Pardonne à ton ennemie » et « Que celui qui n’a jamais pêché jette la première pierre » du Jésus dont, pourtant ils se disent les disciples.
Didier Maréchal