Les sites touristiques antiques de l’Égypte, très fréquentés, pourraient bientôt « bénéficier » d’une restauration. Le gouvernement égyptien a dévoilé un projet de rénovation de la façade de la pyramide de Mykérinos, à Gizeh. Cette initiative suscite des inquiétudes parmi les archéologues et égyptologues.

Une vidéo mise en ligne par le secrétaire général du Conseil suprême des antiquités égyptiennes a déclenché un débat animé en Égypte. Se tenant au pied de la pyramide de Mykérinos (plus petite des trois grandes pyramides du site de Gizeh, à côté du sphinx), située près du Caire, Mostafa Waziry a annoncé, à la fin de janvier dernier, le début d’un projet de restauration ambitieux visant à redonner à la structure son éclat d’antan. Mesurant 63 mètres de haut et située légèrement en contrebas des pyramides de Kheops et Khephren, cette construction vieille d’entre 2 532 et 2 512 avant l’ère commune montre des signes de vieillissement. L’idée de recouvrir ses pierres anciennes de granit pour restaurer son apparence d’origine semble attrayante sur le papier pour quiconque pense comme un touriste et non comme un véritable amateur de site historique antique, et elle a suscité des inquiétudes parmi les égyptologues et les historiens, qui redoutent des dommages potentiels à la structure globale de l’édifice.

Faisant partie des sept merveilles du monde antique et étant les seules à avoir résisté à l’épreuve du temps, les pyramides de Gizeh, construites il y a quatre millénaires, montrent néanmoins des signes de vieillissement. Leur processus de construction reste enveloppé de mystère en raison de sa complexité, bien que des vestiges archéologiques découverts dans la région aient éclairé les chercheurs sur la construction de ces pyramides. Les blocs de pierre, pesant 2,5 tonnes et empilés sur plusieurs dizaines de mètres de hauteur, étaient initialement revêtus de granit blanc, un aspect que le Conseil suprême des antiquités égyptiennes souhaite restaurer.

Suite à la diffusion d’une vidéo explicative par Mostafa Waziry, l’égyptologue de renom Monica Hanna a interpellé le responsable gouvernemental sur « X ». Mettant en avant une frénésie de restaurations, sa principale préoccupation réside dans la modification significative d’un des plus anciens monuments du monde. Elle fait notamment référence à la rénovation d’une statue près du temple de Louxor, critiquée pour ses proportions incorrectes et son non-respect des normes de construction de l’Antiquité.

L’une des images partagées par Monica Hanna offre un aperçu de ce qui pourrait devenir le projet majeur du gouvernement égyptien. Les blocs de granit seraient appliqués sur la structure existante, créant une couche externe. Au-delà des préoccupations liées à l’authenticité, des interrogations structurelles émergent. La pyramide peut-elle supporter le poids supplémentaire des nouveaux blocs de pierre, tout aussi massifs? Il existe un risque de voir la pyramide s’effondrer sous son propre poids, une hypothèse catastrophique qui doit être examinée par un comité scientifique établi pour évaluer la faisabilité du projet.

Cette initiative en apparence ambitieuse s’inscrit dans la politique de l’Égypte visant à restaurer la grandeur de ses sites archéologiques après une décennie marquée par la guerre civile, les attentats terroristes, et plus récemment, l’épidémie de Covid-19 qui a freiné le tourisme. En cas de validation de la restauration de la pyramide de Mykérinos, le chantier pourrait s’étendre sur une période de trois ans.

Vouloir détruire l’histoire pour « faire beau », parce que sachant qu’un touriste est juste un animal de consommation de masse, incapable d’apprécier quoi que ce soit à sa juste valeur, ajoute donc au lourd dossier à charge contre le tourisme de masse, de plus en plus reconnu comme profondément néfaste pour la planète, la qualité et le respect de vie des autochtones et, dans le cas présent, de la préservation des sites historiques.

Hélène de Branco & Christian Estevez