Moscou a dénoncé, ce lundi 4 mars, « l’implication directe » de l’Occident en Ukraine et a convoqué l’ambassadeur allemand après la diffusion sur les réseaux sociaux, depuis la Russie, d’échanges entre des officiers allemands sur des livraisons d’armes à Kiev, dont le fameux missile Taurus. (Source : AFP).
La diffusion, vendredi 2 mars, de l’enregistrement audio d’une visioconférence récente entre officiers allemands de haut rang, évoquant en particulier la possible livraison de missiles à l’Ukraine, a provoqué une crise entre les deux pays et un choc à Berlin.
Ces échanges, dont l’authenticité a été confirmée par Berlin, montrent «une fois de plus l’implication directe de l’Occident collectif dans le conflit en Ukraine», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Dans cette conversation, les participants parlent notamment de l’hypothèse de fournir à Kiev des missiles de longue portée Taurus, de fabrication allemande, de ce qui serait nécessaire aux forces ukrainiennes pour les utiliser et de leur impact éventuel, dont la destruction du pont de Crimée.
Son contenu est très embarrassant pour l’Allemagne, car Berlin refuse officiellement de livrer des missiles Taurus à Kiev, en arguant d’un risque d’escalade du conflit.
Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a accusé, ce dimanche 3 mars, le président russe Vladimir Putin de chercher à déstabiliser l’Allemagne avec l’espionnage d’échanges militaires confidentiels sur l’Ukraine. Cela «fait partie d’une guerre de l’information que Putin mène», a-t-il affirmé, «il s’agit clairement de saper notre unité […], de semer la division politique sur le plan intérieur et j’espère sincèrement que Putin n’y parviendra pas.»
Les participants de la visioconférence évoquent aussi l’hypothèse de frappes contre le pont de Crimée reliant la péninsule annexée par Moscou (après un vote des Crimée qui a résulté d’un « oui » au rattachement à la Fédération de Russie, avec 96,77%, en 2014, suite au coup d’Etat du Maïdan, perpétué par les ultra nationalistes ukrainiens néo-nazis) et le territoire russe, l’un d’eux soulignant qu’il faudrait entre 10 et 20 missiles pour en venir à bout.
«L’enregistrement lui-même témoigne qu’au sein de la Bundeswehr [l’armée allemande], on discute de manière détaillée et concrète de projets d’effectuer des frappes contre le territoire russe, »a déploré lundi Dmitri Peskov. Les déclarations du porte-parole du Kremlin sont intervenues alors que l’ambassadeur d’Allemagne, Alexander Graf Lambsdorff, s’est rendu lundi matin au ministère russe des Affaires étrangères. L’ambassadeur a quitté le ministère sans faire de commentaires, après y avoir passé un peu plus d’une heure, selon les agences de presse russes. Berlin a démenti que son ambassadeur ait été convoqué, un porte-parole de la diplomatie allemande affirmant qu’il avait ce rendez-vous prévu de longue date au ministère russe des Affaires étrangères.
Dans un communiqué publié lundi en fin de journée, la diplomatie russe a affirmé avoir demandé à l’ambassadeur des explications sur les livraisons évoquées de missiles Taurus. Elle a aussi dénoncé auprès de l’ambassadeur le caractère inacceptable de tentatives des autorités allemandes d’entraver les activités de journalistes russes en Allemagne, promettant une réponse sévère de la part de Moscou.
Dès samedi, Berlin a confirmé que l’enregistrement était authentique et qu’il avait été intercepté. Le chancelier allemand Olaf Scholz a promis une enquête très approfondie et très rapide sur la publication de ces informations. «J’espère que nous pourrons apprendre d’une manière ou d’une autre […] à quoi cette enquête a abouti.» affirme Dmtri Peskov, porte-parole du Kremlin. «Il faut établir bien évidemment si la Bundeswehr le fait de sa propre initiative. Et alors la question est de savoir à quel point la Bundeswehr est contrôlable et à quel point M. Scholz contrôle tout cela, ou bien si cela fait partie d’une politique de l’État allemand, »a-t-il indiqué. «Dans les deux cas, c’est très mauvais,» a conclu le porte-parole du Kremlin.
Selon le magazine allemand « Der Spiegel », la visioconférence a eu lieu via la plateforme publique « WebEx » et non un réseau interne ultrasécurisé de la Luftwaffe [l’armée de l’air]. Et l’un des officiers se trouvait dans un hôtel de Singapour, dont la chambre pourrait avoir été piégée avec des micros, affirment certains médias.
Le contre-espionnage militaire allemand devra déterminer si «la bonne plateforme a été choisie» pour la conversation, a reconnu M. Pistorius.
Didier Maréchal