Quinze organisations de soignants estiment qu’Emmanuel Macron a « annoncé un système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants » lors de son interview ce dimanche 10 mars, durant laquelle il a notamment tranché en faveur d’une « aide à mourir ».
Emmanuel Macron a pris position sur la délicate question de la fin de vie. Cependant, en décrivant les contours d’une « aide à mourir » dans les colonnes de « Libération » et « La Croix » ce dimanche 10 mars, le président a suscité des critiques de la part de certaines organisations de soignants. À l’instar de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, 15 d’entre elles ont exprimé, dans un communiqué, leur « consternation » et leur « colère », dénonçant un « système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants ».
Le président de la République est l’objet de nombreuses critiques. En premier lieu, en ce qui concerne les « conditions d’élaboration du texte », les signataires du communiqué accusent l’exécutif de privilégier « la brutalité en ignorant la parole des soignants qui n’ont pas été consultés depuis septembre dernier ».
Dans son entretien, Emmanuel Macron a exprimé une opinion contraire, affirmant : « De manière très pragmatique, nous avons consulté les patients, les familles, les équipes soignantes, la société pour constater que la loi Claeys-leonetti, qui établit le cadre légal actuel, avait conduit à de nombreuses avancées mais ne permettait pas de faire face à des situations humainement très difficiles. » Le président a également affirmé s’être appuyé « sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et sur les travaux de la Convention citoyenne ».
« Ceux qui devront appliquer cette loi n’ont jamais été associés à sa rédaction et n’ont pas été consultés sur un texte à l’évidence déjà rédigé », déplore néanmoins les auteurs du communiqué, évoquant un « calendrier indécent ». Emmanuel Macron a indiqué lors de son entretien que le texte « arrivera sur la table du Conseil des ministres en avril, pour une première lecture en mai » (soit en pleine période de campagne pour les élections européennes, instrumentalisant, de fait, le droit à l’euthanasie pour remporter plus de votes).
Les organisations associées au communiqué imputent aussi au chef de l’État un « mépris du travail des soignants ». Ce dernier « emploie également un procédé rhétorique visant à minimiser la capacité à accompagner la fin de vie dans la dignité qui justifierait le bien-fondé de l’aide à mourir, pour mieux masquer l’insuffisance de moyens en soins palliatifs », estiment-elles.
« Annonces dérisoires sur l’accompagnement de la fin de vie »
Tout en fustigeant un « modèle ultra-permissif », elles dénoncent dans le même temps une « confusion sur le sens du soin, soulignant que les soignants « répètent avec constance que leur mission n’est pas de donner la mort ».
À ce sujet, Emmanuel Macron a précisé que le projet de loi encadre l’administration de la substance létale de la façon suivante: celle-ci est « effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, à sa demande, soit par une personne volontaire qu’elle désigne lorsque aucune contrainte d’ordre technique n’y fait obstacle, soit par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne. »
Enfin, les organisations de soignants fustigent des « annonces dérisoires sur l’accompagnement de la fin de vie ». Avant de développer ainsi : « Emmanuel Macron annonce une augmentation du budget annuel des soins palliatifs de 6%, alors même que 50% des patients n’ont pas accès à un accompagnement adapté, soit 500 personnes par jour : une personne sur deux. »
Conclusion des auteurs du communiqué: « Mourir dans la dignité est une demande bien légitime, mais c’est précisément la mission des soins palliatifs notoirement sous-dotés, insuffisamment connus et trop peu disponibles en France. Supprimer les malades pour supprimer le problème à moindre coût, voilà ce qu’en somme propose cette annonce. »
Le collectif promet de se réunir dans les « jours à venir » afin de « déterminer les modalités de mobilisation face à ce projet qui va à l’encontre des valeurs du soin et du non-abandon qui fondent notre modèle français d’accompagnement de la fin de vie. »
Didier Maréchal