Biologie : Les tardigrades peuvent supporter les radiations (presque) sans broncher, et nous avons maintenant une idée du Pourquoi

Le tardigrade semble indestructible, mais malgré sa résilience, cet animal microscopique a ses vulnérabilités. On croyait qu’il était insensible aux radiations, mais des recherches montrent qu’il est affecté par celles-ci. Cependant, contrairement à la plupart des êtres vivants, il semble gérer cette exposition sans difficulté.

Des biologistes et chimistes de l’université de Caroline du Nord, à Chapel Hill, ont découvert que, malgré les apparences, les tardigrades souffrent des effets des radiations, mais sont capables d’en réparer les dégâts sur leur ADN. Cette découverte a fait l’objet d’une publication dans la revue scientifique « Current Biology ».

Voilà soixante ans que l’on sait que les tardigrades sont capables de survivre à une exposition aux radiations mille fois plus intense que celles qui mettraient en danger la vie d’un être humain. Effectivement, le rayonnement ionisant peut avoir des effets à court terme (brûlures) et à long terme (cancers), de même qu’il peut endommager l’ADN d’un humain au point d’engendrer des malformations dans sa descendance.

On pensait donc la bestiole immunisée contre les radiations. Mais deux récentes études, celle des chercheurs états-uniens de Chapel Hill et celle menée par une équipe française de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), montrent que l’exposition à de fortes radiations provoque chez le tardigrade des ruptures des brins de la double hélice, la structure secondaire de l’ADN.

L’animal se montre alors capable de réparer ces dommages grâce à la présence dans son organisme de protéines spécifiques, la «Dsup» (pour «damage suppressor», ou «suppresseur de dégâts» en français), et celle liée au gène TDR1 («Tardigrade DNA damage response 1», ou «gène de réponse aux dommages à l’ADN de tardigrade 1», pour la langue française).

Des chromosomes bien gainés

Les tardigrades sont capables, contrairement à nous, d’augmenter la production de ces deux éléments en cas de besoin. «Nous avons découvert que la protéine TDR1 interagit avec l’ADN et forme des agrégats à haute concentration, ce qui suggère qu’elle peut condenser l’ADN et agir en préservant l’organisation des chromosomes jusqu’à ce que la réparation de l’ADN soit accomplie», précisent les auteurs de l’étude de l’Inserm, après avoir bombardé des tardigrades de rayons gamma mortels pour l’être humain.

On ne peut que féliciter cette créature pour sa capacité à composer avec un environnement hostile, mais une question demeure: où a-t-elle appris à faire ça? À quel moment, dans l’Histoire de leur évolution, les tardigrades ont-ils été exposés à suffisamment de radiations pour développer ce genre de superpouvoirs? Il serait possible que le mécanisme soit liée à celui qui permet à cet animal de survivre à la déshydratation, elle aussi préjudiciable pour l’ADN.

Le tardigrade peut donc être copieusement irradié, privé d’eau pendant des décennies, être soumis à des températures extrêmes allant de -272 à +150°C (au-delà, ils ont vraiment trop chaud) et même envoyé dans le vide spatial. On ne s’étonne pas que deux centres de recherche en biologie se demandent au même moment par quelle « sorcellerie » ces animaux parviennent à composer avec de telles conditions de survie.

Si ces découvertes vont dans un premier temps permettre de protéger d’autres micro-organismes des effets des radiations, on a hâte de disposer, nous aussi, de barres protéinées qui nous permettront de baguenauder dans l’espace sans craindre les effets délétères du rayonnement cosmique. À ce moment-là, on sera content d’avoir fait connaissance avec le tardigrade.

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