Le « New York Times » a dévoilé, en avril 2021, que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait négocié un contrat de 1,8 milliard de doses de vaccin contre le Covid-19 par SMS avec Albert Bourla, le PDG de Pfizer, durant la pandémie. Ce vendredi 17 mai, une première audience s’est tenue au Tribunal de Liège.
Cela fait désordre à seulement trois semaines de sa candidature pour un nouveau mandat de présidente de la Commission européenne. Ce vendredi 17 mai, le Tribunal de Liège a tenu une audience pour décider si la justice belge ou le Parquet européen (EPPO) est compétent pour poursuivre l’instruction de la plainte déposée contre Ursula von der Leyen dans le cadre du « Pfizergate ». Explications.
LES FAITS REPROCHÉS
En avril 2021, le « New York Times » a révélé que la présidente de la Commission européenne avait négocié directement par SMS avec Albert Bourla, le PDG de « Pfizer », un contrat de 1,8 milliard de doses de vaccin contre le Covid pour la somme de 36 milliards d’euros. Si ces accusations sont avérées, Ursula von der Leyen aurait négocié ce contrat d’achat de vaccins en dehors de toute règle commerciale européenne.
Le 27 mars dernier, la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, a défendu sa cheffe devant la commission spéciale du Parlement européen sur la pandémie de Covid-19 (COVI), affirmant qu’elle n’avait joué aucun rôle dans la négociation des contrats de vaccins Covid.
Cependant, Albert Bourla, le PDG de Pfizer, n’a pas contribué à affaiblir les accusations de conflit d’intérêts. Il a mentionné dans un livre qu’il avait noué une « relation étroite avec [Ursula von der Leyen] par le biais de SMS et d’appels téléphoniques » à partir de janvier 2021. Mais, ce qu’il n’avoue pas est qu’il est d’autant plus lié à Ursula Von Der Leyen du fait que le mari de celle-ci, HeIko Von Der Leyen, ai été nommé directeur médical de la société de biotechnologie états-unienne « Orgenesis » spécialisée dans les thérapies cellulaires et géniques (qui a participé directement au développement de thérapies génétiques, en particulier de vaccins à acide ribonucléique messager (ARNm pour « Pfeizer », permettant à ce groupe de créer son vaccin contre le Covid-19), comme nous l’avons déjà indiqué dans deux de nos articles, en 2022 (ainsi que certains autres éléments concernant le passé de Mme Von Der Leyen que nous rappelons, également, plus bas dans le présent article).
UN SILENCE QUI POSE QUESTION
Depuis les révélations du « New York Times », nombre d’entités ont demandé à la présidente de la Commission européenne de rendre public ces échanges de SMS. Les membres de la « Commission Covid » de l’UE, la médiatrice de l’Union Européenne (l’UE) Emily O’Reilly, le parquet européen et la Cour des comptes européenne se sont tous heurtés à une fin de non-recevoir.
En février 2023, le « New York Times » a lui-même saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) afin d’obtenir la divulgation des SMS en question (au nom de la loi d’obligation de fournir un accès à tous les éléments d’informations à la presse, dont le devoir premier est d’informer correctement les citoyens pour assurer le bon fonctionnement de la Démocratie), après que leur demande d’accès aux documents a été refusée. La CJUE a alors déposé une plainte administrative contre la Commission européenne, qui a toujours refusé de révéler le contenu des SMS, et même de confirmer leur existence. « Tout ce qui était nécessaire à ce sujet a été dit et échangé. Et nous attendrons les résultats », a expliqué Ursula von der Leyen.
En effet, si jamais des SMS ont permis de négocier des transactions financières impliquant l’Union Européenne, ces derniers deviennent des documents administratifs au sens du droit. Se refusant à les dévoiler, Ursula von der Leyen porterait atteinte aux droits consacrés dans la constitution européenne. Dans le cas où elle les aurait supprimés, cela constituerait une destruction de documents administratifs (ce dont elle s’est déjà rendue coupable, lorsqu’elle était ministre de la défense du gouvernement Allemand, jusqu’en 2019 – et dont elle a dû subitement et de manière tout à fait inattendue, démissionner, .considérée par les allemands comme la plus mauvaise ministre de la Défense de toute l’Histoire de l’Allemagne… Ce qui ne l’a pas empêchée d’être parachutée à la tête de la Commission Européenne, par un « petit arrangement entre la France et l’Allemagne » – où une enquête parlementaire allemande avait démontré qu’elle avait dilapider des dizaines de millions d’euros de l’Etat allemand, sans autorisation ni contrôle extérieur préalables, pour payer des consultants, des conseillers, des experts et autres sous-traitant privés, allant jusqu’à entraver l’enquête parlementaire en expurgeant soigneusement de ses deux téléphones professionnels tous les messages concernant les affaires concernées par l’enquête, avant de remettre les deux téléphones portables à la commission chargée de les consulter pour ladite enquête, comme l’ont révélé, en 2020, les médias « Der Spiegel » (Allemagne) et « Politico » (Etats-Unis d’Amérique), peu après sa prise de fonction à la tête de la Commission européenne.
UNE PLAINTE DÉPOSÉE PAR UN LOBBYISTE
En avril 2023, le lobbyiste belge spécialisé dans les relations commerciales Chine-UE, Frédéric Baldan, a déposé plainte contre Ursula von der Leyen auprès d’un juge de Liège, pour « prise illégale d’intérêts et corruption », « usurpation de fonctions et de titre » et « destruction de documents publics ». Il estime subir un préjudice moral constitué par « la perte de confiance dans l’Union comme puissance de réalisation du bien commun ».
Surtout, il juge que les finances publiques de la Belgique auraient été lésées par les négociations d’Ursula von der Leyen avec « Pfizer ». Il souligne que, d’après les données de l’Institut de santé publique « Sciensano », fin 2022, parmi les 40,4 millions de doses de vaccins contre le Covid-19 reçues par la Belgique, 27,9 millions ont été achetées à Pfizer. Le lobbyiste belge y voit un privilège octroyé au géant états-unien de la pharmacie. Il se trouve que le média « Politico » a annoncé que, fin 2023, au moins 4 milliards d’euros de doses avaient été gaspillés. Le contrat liant l’Union Européenne à Pfizer a ainsi dû être renégocié.
Frédéric Baldan s’est constitué, par la même occasion, partie civile, réclamant 50 000 euros pour son préjudice moral. Il espère que le juge d’instruction liégeois soit « en mesure de réquisitionner les SMS et pas seulement de les demander ». Ce dernier considère que si l’ancienne ministre allemande et le patron de Pfizer invoquent la nature privée de ces échanges, cela révélerait un conflit d’intérêts grave, dans le cadre de la vente de vaccins à l’Union Européenne.
Des associations, partis politiques, citoyens et même des pays européens, la Hongrie de Viktor Orbán et la Pologne, à l’époque gouvernée par les ultraconservateurs du PiS, se sont joints à la plainte de Frédéric Baldan.
LES ENJEUX JURIDIQUES DERRIÈRE CETTE PREMIÈRE AUDIENCE
Le Tribunal belge devait notamment déterminer, ce 17 mai, s’il revient à la justice belge de poursuivre l’instruction de la plainte déposée, ou si c’est au Parquet européen (EPPO) de se pencher sur ce « Pfizergate ». L’EPPO s’est saisi de la plainte belge et a présenté son réquisitoire à Liège. L’organisme traite notamment des affaires revêtant une dimension transnationale ou qui concerne le budget de l’UE. Mais, de son côté, le juge d’instruction belge souhaiterait poursuivre son enquête. Le Tribunal de Liège a décidé de remettre le dossier au 6 décembre prochain, notamment dans le but de laisser aux parties le temps de se prononcer sur la compétence du parquet européen en la matière.
En attendant, le média en ligne d’extrême gauche « Blast » (à qui il arrive, tout de même, de faire réellement son métier de journalisme) a révélé, en septembre 2023, que Frédéric Baldan a perdu son accréditation de lobbyiste professionnel en juin de la même année, sur décision d’un registre de transparence de l’Union Européenne placé sous l’autorité d’Ursula von der Leyen.
Didier Maréchal & Christian Estevez