Ce mardi 28 mai, le Sénat français a voté en faveur d’un projet de loi visant à réguler les transitions de genre avant l’âge de la majorité. Cette initiative, proposée par la droite, a rencontré une forte opposition de la part de la gauche et de la majorité d’extrême centre. (Source : AFP).
Le Sénat français a voté, ce mardi 28 mai, en faveur d’un projet de loi visant à encadrer les transitions de genre avant l’âge de 18 ans, une mesure perçue tantôt comme une « offensive transphobe », tantôt comme une « protection des mineurs » du côté droit. Cette initiative, présentée par le parti de droite « les Républicains », a été fortement critiquée par la gauche et diverses associations, et finalement désapprouvée par le gouvernement d’extrême centre, idéologiquement marqué par le wokisme, malgré certaines hésitations.
La proposition de loi de la sénatrice « LR » Jacqueline Eustache-Brinio, adoptée à 180 voix contre 136, prévoit notamment l’interdiction pour les mineurs des traitements hormonaux et le contrôle strict des prescriptions de « bloqueurs de puberté », ces molécules qui permettent de suspendre le développement des caractères sexuels secondaires comme la poitrine, la voix ou la pilosité qui relèvent du « genre auquel l’enfant ne s’identifie pas » – donc, de son sexe réel, biologique (le « genre » existant pas pour les êtres vivants car était concrètement réservé à la grammaire des langues).
L’objectif affiché ? « Éviter aux mineurs en « questionnement de genre » de ne pas regretter des traitements médicaux ou de chirurgie de réassignation sexuelle suite à un mauvais diagnostic », a affirmé l’auteure du texte, suscitant les protestations de la gauche. Une version à laquelle l’élue écologiste Mélanie Vogel a beaucoup de mal à croire : « Les vrais problèmes que vous avez, c’est que les personnes trans existent et que vous ne pouvez rien pour l’empêcher », a-t-elle rétorqué.
UN TEXTE ADOPTÉ GRÂCE À L’ALLIANCE LR-CENTRISTES
Le texte a finalement été adopté grâce aux votes quasi-unanimes de l’alliance LR-centristes, majoritaire au Sénat. La gauche et le groupe macroniste d’extrême centre s’y sont opposés, tandis que le groupe « Indépendants » à majorité « Horizons » parti allié à la majorité présidentielle mais un peu plus à droite) n’a pas participé au vote. Il est désormais transmis à l’Assemblée Nationale, mais rien n’assure à l’heure actuelle qu’il y sera examiné. Les débats ont été l’occasion pour le gouvernement de clarifier sa position, alors que le flou a régné jusqu’à la fin de soirée sur ses intentions précises.
Après avoir écouté attentivement tous les groupes politiques, le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, a finalement rejeté en bloc l’initiative, dénonçant « une approche totalement dogmatique, subjective, où les arguments médicaux et scientifiques ont peu d’importance ». Plus tôt dans la journée, plusieurs sources parlementaires avaient pourtant été prévenues par l’exécutif d’un avis gouvernemental dit « de sagesse », ni favorable ni défavorable, ce qui avait irrité au sein même du camp présidentiel.
DES ÉLUS DE LA MAJORITÉ DÉNONCENT UNE « OFFENSIVE TRANSPHOBE »
Plusieurs parlementaires « Renaissance » avaient en effet cosigné dans la journée une tribune dans le « Nouvel Obs » dénonçant une « offensive transphobe ». « Nous ne donnerons pas notre voix à une démarche qui n’est qu’un prétexte pour donner crédit aux positions les plus radicales et les plus injustes et réactionnaires de notre assemblée », s’est indigné le sénateur « Renaissance », Xavier Iacovelli, en séance publique.
Face aux critiques, le président des sénateurs « LR », Bruno Retailleau, est monté au créneau dans l’hémicycle : « Il n’y a pas d’un côté le camp du bien et de l’autre côté le camp du mal. Il n’y a pas d’un côté des transphobes et de l’autre des personnes tout en humanité. Ce genre d’affirmation relève de l’insulte », a-t-il lancé, brandissant le « devoir de précaution et de prudence » vis-à-vis des mineurs. De son côté, le rapporteur sur la proposition de loi, le sénateur « LR », Alain Milon, a, lui, assuré qu’elle garantissait « l’équilibre » entre le besoin de « soulager les souffrances des patients » et celui de « limiter des recours à des interventions irréversibles ».
La version du texte soumise au vote du Sénat prévoit de permettre la prescription des bloqueurs de puberté aux mineurs mais dans un cadre précis, au sein de « centres de référence pluridisciplinaires » et seulement après un suivi médical d’une durée d’au moins deux ans. La prescription aux mineurs d’hormones croisées serait en revanche bien interdite, tout comme la réalisation de « chirurgies de réassignation ». Avec une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour les médecins qui contreviendraient à ces règles. « Un précédent préoccupant », selon Frédéric Valletoux.
Des associations de défense des « droits LGBT » et de nombreux sénateurs ont également reproché l’intégration à ce texte d’un article dédié à la mise en place d’une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie. « L’incongruence de genre », c’est-à-dire le sentiment d’une inadéquation entre le genre ressenti et celui de naissance, a pourtant été exclue de la catégorie des troubles mentaux par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2018. (alors que, c’est pourtant très exactement un trouble psychiatrique – au même titre qu’un être humain qui est persuadé d’être un chien, par exemple) « Cette proposition de loi veut interdire ce qui est mieux pour les jeunes, et aller contre la science », s’est indigné mardi Daisy Letourneur, secrétaire de l’association « Toutes des femmes », lors d’un rassemblement devant le Sénat.
Didier Maréchal & Christian Estevez