France : Macron suspend la réforme électorale en Nouvelle-Calédonie

Le projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral en Nouvelle-Calédonie, à l’origine des émeutes dans l’archipel français du Pacifique Sud, a été « suspendu » par le président Emmanuel Macron, ce mercredi 13 juin, dans la foulée de la dissolution de l’Assemblée Nationale .(Source : AFP)

« J’ai décidé de le suspendre parce qu’on ne peut pas laisser l’ambiguïté dans la période », a annoncé le chef de l’État français, parlant du projet de réforme électorale pour la Nouvelle-Calédonie, lors d’une conférence de presse à Paris. Il a précisé vouloir « donner toute sa force au dialogue sur place et au retour à l’ordre ».

Le projet de réforme, qui a déclenché, à partir du 13 mai, des violences sans précédent depuis les années 1980 sur le « Caillou », vise à élargir le corps électoral gelé depuis 2007 aux scrutins provinciaux, cruciaux sur le territoire. Ces émeutes ont fait neuf morts, des centaines de blessés et d’importants dégâts, selon le dernier bilan officiel.

Aux termes du projet de réforme, environ 25 000 électeurs, natifs ou résidents depuis 10 ans, pourraient intégrer la liste électorale, au risque de marginaliser le peuple autochtone kanak, accusent les indépendantistes.

Après les votes du Sénat le 2 avril et de l’Assemblée nationale le 14 mai, le projet devait encore être adopté par le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Mais, dimanche 9 jui,, M. Macron a répondu à la victoire historique du Rassemblement National (droite nationaliste) aux élections européennes en annonçant une dissolution surprise – cat totalement inutile et même insensée – de l’Assemblée Nationale, et la convocation d’élections législatives qui auront lieu le 30 juin et le 7 juillet prochains.

La paix, « priorité absolue »

Le député macroniste sortant, Philippe Dunoyer, s’est réjoui, auprès de l’AFP, de la « bonne décision » d’Emmanuel Macron. « Il est très, très urgent […] de retrouver un climat d’apaisement, que les barrages se lèvent, qu’on retrouve les fils d’un dialogue », a ajouté l’élu, candidat à sa réélection. « La priorité absolue, ce n’est pas de faire campagne […], c’est de rétablir la paix. »

Le camp indépendantiste n’a, lui, pas réagi immédiatement. Mais, ces derniers jours, il avait déjà tiré un trait sur la réforme. « Le président a perdu la main, c’est nous qui l’avons maintenant et nous disons qu’il faut aller vers des élections provinciales avec un corps gelé », a jugé Daniel Goa, président du principal parti indépendantiste, « l’Union calédonienne » (UC).

« Nous pouvons convenir ensemble que les élections européennes auront eu raison de la loi constitutionnelle », écrivait plus tôt, ce même mercredi, le « Parti de libération kanak » (Palika). Ce mouvement indépendantiste modéré a également appelé à « lever les barrages et les blocages ».

Macron ou Le Pen, « ça ne changera pas grand-chose »

Le scénario d’un retour du texte devant les parlementaires après les législatives des 30 juin et 7 juillet paraît fort improbable.

« En théorie, il serait tout à fait envisageable de pouvoir poursuivre le processus de révision constitutionnelle ultérieurement, une fois que l’Assemblée Nationale sera de nouveau constituée », a noté Léa Havard, maître de conférences en droit public à l’Université de Nouvelle-Calédonie. « On pourrait imaginer adopter cette révision constitutionnelle fin juillet ou en août, même si elle mentionne une entrée en vigueur début juillet », poursuit-elle. « D’un point de vue strictement juridique, ce n’est pas impossible. Mais d’un point de vue politique, ça n’a pas vraiment de sens. »

L’indépendantiste Daniel Goa ne semble en tout cas pas perturbé par l’éventualité que son prochain interlocuteur soit le Rassemblement National (RN), en cas de victoire de cette formation aux prochaines législatives, voire à la présidentielle. « Que ce soit Macron ou Le Pen, ça ne changera pas grand-chose. […] Le Pen ne nous fait pas peur, ce sont des nationalistes. Nous sommes aussi des nationalistes, mais dans notre pays. Ce n’est pas le cas de Macron », lance-t-il.

Le RN a récemment revu l’ensemble de sa doctrine calédonienne : alors que sa figure de proue, Marine Le Pen, considérait « définitif » le résultat du troisième référendum sur l’indépendance en 2021 boycotté par les indépendantistes, qui ne reconnaissent pas la victoire du « non » ,elle a suggéré, en mai dernier, une nouvelle consultation d’ici « quarante ans ».

Joseph Kouamé

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