La Hongrie, qui assure la présidence tournante de l’UE, a été rappelée à l’ordre après la tournée diplomatique de Viktor Orban. Sa visite en Russie et en Chine pour promouvoir « la paix en Ukraine » suscite des tensions à Bruxelles. Mercredi 10 juillet, presque tous les représentants des États membres ont adressé un « carton jaune » à Budapest lors d’une réunion à huis clos.
La tension était élevée, bien que le ton soit resté très calme ce mercredi 10 juillet, lors de leur réunion hebdomadaire à Bruxelles, où les représentants permanents des États membres ont demandé des explications à la Hongrie, qui exerce la présidence tournante du Conseil de l’Union Européenne, au sujet des initiatives diplomatiques du Premier ministre, Viktor Orban. Depuis le 2 juillet, le premier ministre hongrois a successivement visité Kiev, Moscou et Pékin, avant de se rendre à Washington pour le sommet de l’OTAN. M. Orban qualifie cette tournée de « mission de paix » pour l’Ukraine, sans avoir préalablement informé ses homologues.
A Bruxelles, le débat sur le sujet était tellement sensible que la réunion a été réduite aux seuls ambassadeurs, à la demande de la Hongrie. Un format inédit, de mémoire de diplomate, pour évoquer une initiative en lien avec la présidence tournante de l’UE. Généralement, de telles réunions sont réservées aux discussions liées à la préparation de sanctions contre un Etat-tiers.
Lors de sa première visite en Ukraine, Viktor Orban a ainsi fait part “de ses conseils non sollicités au président Volodymyr Zelenskyy, l’exhortant à accepter un cessez-le-feu immédiat avec la Russie”, r. Le chef du gouvernement hongrois a ainsi “exaspéré ses homologues de l’Union Européenne qui, à l’exception du Slovaque pro-russe Robert Fico, s’accordent pour soutenir l’Ukraine et ne pas traiter avec Moscou en l’absence de Kiev”
De nombreux “dirigeants du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest du continent” ont critiqué M. Orban en fin de semaine dernière pour sa visite au président russe Vladimir Putin,, rappelle le média états-unien « Politico ». Le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a également effectué un recadrage après la participation du dirigeant hongrois au sommet des Etats turciques les 5 et 6 juillet. Cette réunion “a eu lieu exclusivement dans le cadre des relations bilatérales entre la Hongrie et cette organisation”, a tenu à souligner M. Borrell dans un communiqué
Demandes de clarification
Depuis sa visite surprise en Russie, la quasi-totalité des Etats-membres, à l’exception de la Slovaquie, ont souhaité obtenir des clarifications sur les intentions et la garantie que la Hongrie ne représentait pas l’Union Européenne auprès de Vladimir Putin. « La Hongrie a tenté de faire valoir que les visites étaient strictement bilatérales et ne visaient qu’à évaluer la faisabilité et les conditions d’un cessez-le-feu », relate une source européenne.
Ce mercredi 9 juillet, Janos Boka, le ministre hongrois des affaires européennes, a présenté le même argument devant les médias. « L’échange de vues entre M. Orban et M. Putin n’a pas lieu au nom de l’UE, car nous n’en avions pas le mandat, assure-t-il. Le premier ministre est conscient de sa responsabilité, il a fait un compte rendu de ses discussions à Charles Michel, le président du Conseil européen, et aux chefs d’État et de gouvernement. Cela a permis de clarifier la situation. » Selon lui, aucune règle n’interdit à un pays européen de parler ou d’ouvrir un canal de discussion avec Moscou.
La Hongrie occupe depuis le 1er juillet la présidence tournante du Conseil de l’UE, une fonction de coordination des travaux législatifs Mais son Premier ministre, Viktor Orbán, a utilisé cette fonction “pour donner du crédit” à sa tournée internationale ; il s’est rendu la semaine dernière à Kiev, puis Moscou et Pékin sans mandat européen.
Mesures de rétorsion
Irrités par ces premiers jours de présidence hongroise, les responsables européens examinent les mesures de rétorsion qui pourraient être prises à son encontre. “Il est question par exemple de boycotter les réunions ministérielles informelles organisées par la Hongrie pendant sa présidence”, note la RTBF (Radio Télévisé Belge Francophone – ndlr).
Lors du premier Conseil de l’UE sous présidence hongroise le 9 juillet, “seuls sept [autres] ministres d’États membres de l’UE étaient présents, de nombreux pays ayant refusé d’envoyer de hauts fonctionnaires”.
Autre possibilité : raccourcir la présidence hongroise du Conseil pour la transmettre précocement à la Pologne, avant l’échéance du 31 décembre. Une option toutefois “juridiquement délicate alors que la présidence est en cours”, déclare un fonctionnaire cité par « Politico ».
En réponse, le Premier ministre hongrois a qualifié ces critiques d’ “infondées” et expliqué sa démarche dans une lettre aux autres dirigeants européens. Il y explique que Vladimir Putin serait ouvert “à toute proposition de cessez-le-feu qui ne servirait pas la réorganisation des forces ukrainiennes”. Viktor Orbán est par ailleurs “suspecté de prévoir une rencontre avec Donald Trump, dont il dit souhaiter la réélection”,.
Didier Maréchal