Plusieurs semaines que le gouvernement est démissionnaire. Emmanuel Macron continue les consultations pour choisir un nouveau Premier ministre, et le délai est serré. Le 1er octobre, le gouvernement doit avoir obtenu le vote du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
Le 1er octobre, le projet de loi de finances (PLF) doit être présenté à l’Assemblée Nationale française et voté. Actuellement, Gabriel Attal, le Premier ministre démissionnaire, continue d’exercer ses fonctions à Matignon. L’absence de nouveau Premier ministre et de majorité à l’Assemblée complique le processus législatif. Selon le journal « Le Monde », la crise politique en cours pourrait même amener le gouvernement à envisager de ne pas respecter le calendrier habituel.
Ce texte, qui fixe les recettes et dépenses de l’État pour l’année prochaine, doit être adopté par les deux chambres du Parlement « au plus tard le premier mardi d’octobre de l’année précédente », ce qui correspond au 1er octobre cette année. Le PLF doit ensuite être publié au Journal officiel d’ici le 31 décembre 2024 et promulgué par le président de la République. Il est évident que le projet de loi de finances est encore loin d’être achevé.
Les lettres de plafond, qui fixent les limites des crédits alloués à chaque ministère, ont été envoyées le 20 août dernier, soit près d’un mois après le délai habituel. Ces documents sont cruciaux pour permettre aux ministères d’élaborer leurs budgets. Par ailleurs, les parlementaires attendent toujours un rapport sur les plafonds de crédits projetés pour chaque mission du budget général, qui était censé être livré le 15 juillet, selon l’Assemblée Nationale. L’exécutif souhaite laisser une marge de manœuvre au futur gouvernement, qui sera formé une fois le nouveau Premier ministre désigné. Le gouvernement actuel a même proposé le concept de « budget réversible » : « Le nouveau gouvernement pourra ajuster le budget selon ses priorités », a expliqué Matignon.
Le calendrier presse. Le Haut Conseil des finances publiques est censé donner son avis mi-septembre. Le texte devrait ensuite être présenté le 25 septembre en conseil des ministres avant le vote fin septembre du projet de loi de règlement par les parlementaires. Malgré tout, le gouvernement réfléchit à bousculer ces dates. «La Constitution prévoit 70 jours d’examen du PLF par le Parlement», et permettrait donc «théoriquement au prochain gouvernement, s’il le souhaite, de déposer le budget jusqu’à la mi-octobre au Parlement», affirme Matignon à « Franceinfo ».
L’article 47 à la rescousse du retard du projet de loi de finances
L’article 47 de la Constitution dispose bien que le Parlement a 70 jours pour voter un projet de loi de finances. Si «l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours». Si aucune des deux chambres ne s’est prononcée pendant les 70 jours, «le Premier ministre peut alors adopter son budget par ordonnance, c’est-à-dire tout seul», explique Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maîtresse de conférences en droit public à l’université de Rouen.
Mais ces conditions ne sont valables que lorsque le texte est effectivement déposé dans les délais impartis. À défaut, c’est la menace de «vice de procédure et de forme» qui plane sur le projet de loi de finances, indique la spécialité. C’est une décision du Conseil constitutionnel datant de 2001 qui fait référence en la matière. «En cas de retard, deux impératifs seront pris en compte par les Sages : le principe de continuité de la nation et celui de sincérité», précise la constitutionnaliste. Une fois le projet de loi de finances adopté, si le Conseil constitutionnel est saisi par l’opposition, l’institution pourrait alors décider d’invalider le texte sur la base de l’évaluation de ces deux principes. C’est ce qui s’est déroulé en 1979, rappelle Anne-Charlène Bezzina. La raison ? «Le Parlement avait examiné la deuxième partie du PLF avant le vote de la première partie». Pour autant, «si le texte est rendu quelques jours après la deadline et qu’il fait consensus, le Conseil constitutionnel pourrait difficilement annuler le texte», nuance la spécialiste.
Autre hypothèse : sans majorité à l’Assemblée nationale, les deux chambres peuvent aussi voter contre le texte. «Une loi spéciale doit alors être prise au moins avant le 1er janvier. Il s’agit d’une simple autorisation de percevoir les impôts», précise la constitutionnaliste. «Pour tout ce qui est ministères dépensiers, on met en place ce que l’on appelle le “douzième provisoire”». C’est-à-dire que l’on «coupe en tranches le budget de l’année passée afin de le faire suivre sur l’année d’après mais seulement sur la base de ce qu’il permettait en fonctionnement. Cela signifie qu’on n’a rien d’autre que les services publics et les fonctionnaires. Il faut abandonner tout espoir politique», souligne Anne-Charlène Bezzina.