L’événement était attendu impatiemment et a répondu aux attentes. Sans pour autant bouleverser la situation, la vice-présidente démocrate Kamala Harris et l’ancien président républicain Donald Trump se sont affrontés violemment mardi soir lors d’un débat télévisé crucial, à seulement deux mois de l’élection présidentielle prévue pour le 5 novembre.
Voici les points essentiels à retenir de du premier et potentiellement dernier débat télévisé entre les deux candidats à la présidence es Etats-Unis d’Amérique, qui a eu lieu à Philadelphie, dans l’État stratégique de la Pennsylvanie, ce mardi 10 septembre 2024.
- L’avortement
Interrogé sur l’avortement, Donald Trump a défendu sa décision de soutenir l’interdiction après six semaines de grossesse, même s’il a affirmé « croire » à ce droit lorsque la vie de la mère est en danger, en cas d’inceste ou de viol.
« Les démocrates sont radicaux », a-t-il jugé, reconnaissant que ce sujet devrait être décidé État par État, et non au niveau fédéral, faisant référence à l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade. « Il a fallu du courage pour le faire. Et la Cour suprême a fait preuve d’un grand courage en le faisant », a-t-il estimé.
Il a ensuite critiqué le choix du vice-président de Kamala Haris, Tim Walz, pour sa position sur l’avortement, affirmant que ce dernier était favorable aux « exécutions après la naissance ». « Il n’y a aucun État dans ce pays où il est légal de tuer un bébé après sa naissance », a immédiatement déclaré Linsey Davis, l’animatrice de ce débat, détournant le sens réel du propos de Trump pour le faire passer pour une fausse information.
« C’est un tissu de mensonges », a rétorqué Kamala Harris, l’accusant d’être « insultant pour les femmes ». Elle s’est ensuite lancée dans un plaidoyer dénonçant les conséquences sur la vie des États-uniennes qu’a eu l’annulation de l’arrêt garantissant le droit à l’avortement. « Donald Trump ne devrait certainement pas dire à une femme ce qu’elle doit faire de son corps », a déclaré la candidate démocrate.
Kamala Harris a ensuite déclaré qu’elle signerait « fièrement » un projet de loi rétablissant ce droit à l’avortement si elle était élue. « Je pense que le peuple américain est convaincu que certaines libertés, en particulier la liberté de prendre des décisions concernant son propre corps, ne doivent pas être prises par le gouvernement. »
- Ukraine, Gaza et dirigeants internationaux
Interrogé sur la guerre à Gaza, Kamala Harris a jugé qu’Israël a « le droit de se défendre, mais la façon dont il le fait est importante ». Pour la démocrate, qui continue de plaider pour un cessez-le-feu, « trop de Palestiniens innocents ont été assassinés ». Elle a tout de suite été accusée de « détester Israël » par Donald Trump, qui assure qu' »Israël disparaîtra » en cas d’élection de sa rivale. « Si elle devient présidente, je crois qu’Israël n’existera plus d’ici deux ans. »
La position du candidat républicain sur un autre conflit est diamétralement opposée. Il a assuré qu’il mettrait fin à la guerre en Ukraine sous 24 heures. « Je veux que cette guerre s’arrête. Je connais [Volodymyr] Zelensky et [Vladimir] Putin très bien. Ils me respectent, pas [Joe] Biden », a assuré Donald Trump, disant craindre une « troisième guerre mondiale ».
La aussi, la réponse de Kamala Harris a été cinglante. Vladimir Putin « ne ferait qu’une bouchée » de Donald Trump, a-t-elle répondu. Elle a ajouté que le candidat républicain est « la risée » des dirigeants internationaux. « J’ai parcouru le monde en tant que vice-présidente des États-Unis et les dirigeants du monde entier se moquent de Donald Trump », a-t-elle assuré. « Il est de notoriété publique que ces dictateurs et ces autocrates souhaitent que vous redeveniez président parce qu’ils savent très bien qu’ils peuvent vous manipuler en vous flattant et en vous accordant des faveurs ».
- Kamala Harris, porte-parole de Joe Biden ?
Alors que Donald Trump a largement attaqué le bilan du président sortant Joe Biden, tentant d’associer Kamala Harris aux décisions politiques impopulaires de l’administration en place. « N’oubliez pas qu’elle est Biden. Vous savez, elle essaie de s’en éloigner. Mais elle est Biden », a assuré Donald Trump.
Kamala Harris, tout en riant et en se montrant du doigt, a déclaré : « Il est clair que je ne suis pas Joe Biden et que je ne suis certainement pas Donald Trump. Ce que je propose, c’est une nouvelle génération de dirigeants pour notre pays », a-t-elle lâché, rappelant que c’est bien elle qu’il affronte dans la course à la Maison Blanche.
- La question raciale prend place dans le débat
Interrogé sur les commentaires erronés qu’il avait faits sur Kamala Harris « devenue noire » à des fins politiques, l’ancien président Donald Trump a déclaré qu’il s’en fichait. « Je me fiche de ce qu’elle est. Si vous faites toute une histoire de quelque chose, je m’en fiche. Peu importe ce qu’elle veut être, cela ne me dérange pas », a-t-il déclaré.
Des commentaires jugés de « tragique » par la principale intéressée. « Honnêtement, je pense que c’est une tragédie que nous ayons quelqu’un qui veuille être président et qui, tout au long de sa carrière, a constamment tenté d’utiliser la race pour diviser le peuple américain », a-t-elle déclaré, avant d’attaquer le bilan de l’ancien président en matière de relations raciales aux États-Unis d’Amérique, évoquant un procès pour discrimination en matière de logement.
5- « L’inflation mine le pays », lance Donald Trump
Le débat a débuté sur l’inflation, premier sujet de préoccupation pour 50% d’états-uniens, selon une récente enquête d’Ipsos. Kamala Harris, rappelant qu’elle était issue de la classe moyenne, a été la première à prendre la parole. « Je suis la seule pour aider les familles de classe moyenne. (…) Nous savons que nous avons une pénurie de logement, que le coût de la vie est trop élevé », a reconnu la vice-présidente, à l’heure où l’inflation est légèrement inférieure à 3%. Donald Trump « pense que ce sont les Américains de la classe moyenne qui doivent payer pour les milliardaires », a-t-elle rapidement lancé à son rival.
L’ancien président républicain, en réponse, a taclé Kamala Harris et l’administration Biden au sujet de l’inflation élevée des dernières années. « J’ai imposé des droits de douane et il n’y a pas eu d’inflation. L’inflation mine le pays, une inflation inédite, probablement la pire de l’histoire de notre pays », a poursuivi le candidat du parti républicain, avant d’enchaîner très vite sur les migrations. Donald Trump a parlé de « millions de personnes qui envahissent notre pays », les accusant de « voler » des emplois occupés par des personnes hispaniques et noires états-uniennes.
L’ancien président a même intégré à son discours anti-immigration un bruit qui court sans qu’il ai été démontré, pour l’instant la véracité ou la fausseté selon laquelle des exilés haïtiens voleraient et mangeraient des chiens et chats de compagnie dans l’Ohio. « Ils mangent les animaux de compagnie des habitants », a affirmé Donald Trump, sous le regard effaré de sa rivale et du modérateur, le journaliste David Muir, qui a répété à plusieurs reprises qu’aucune preuve n’est venue étayer cette information.
6- Donald Trump accuse les démocrates après la tentative d’assassinat le visant
Interrogé sur l’immigration, Donald Trump a poursuivi ses arguments liant – toujours sans éléments validés comme vrais ou faux – les arrivées d’étrangers et la criminalité aux Etats-Unis d’Amérique. « C’est fort de la part de quelqu’un qui est un repris de justice », a lancé Kamala Harris, en référence aux différentes affaires judiciaires et nombreux chefs d’accusation visant l’ancien président, faisant, de fait, un amalgame et un raccourci rhétorique infondé puisque non comparable avec des crimes. Des affaires « lancées par les démocrates », a répliqué le républicain, accusant ses adversaires d’employer la branche judiciaire « comme une arme ». « Ce sont eux qui me lancent des attaques », a-t-il répété.
Kamala Harris est alors revenue sur une décision récente de la Cour suprême, donnant en partie raison à Donald Trump sur la question de son immunité. La plus haute juridiction des Etats-Unis d’Amérique, composée d’une majorité de juges conservateurs, a estimé qu’il y avait une présomption d’immunité pour les actes officiels d’un président. « On parle d’une personne qui a dit qu’elle allait mettre un terme à la Constitution », a mis en garde la candidate démocrate, dont le camp appuie sur les risques d’un nouveau mandat de Donald Trump pour la démocratie. « Ils ont dit que j’étais une menace pour la démocratie. (…) A cause de ce qu’ils ont dit sur moi, j’ai failli être assassiné », a-t-il lâché, après avoir survécu à une tentative d’assassinat en plein meeting en juillet dernier.
Didier Maréchal