L’écrivain Boualem Sansal présumé arrêté et emprisonné en Algérie : inquiétudes et indignations

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, critique du régime algérien et auteur de nombreux ouvrages censurés dans son pays natal, aurait été arrêté et emprisonné après son arrivée à Alger, le 16 novembre dernier. Une situation qui suscite de vives préoccupations et une large mobilisation en France et à l’international.


Boualem Sansal, écrivain et essayiste franco-algérien de 75 ans, est au cœur d’une affaire qui sensibilise le monde entier. Arrivé à Alger le 16 novembre dernier, il a disparu sans laisser de traces, suscitant l’inquiétude de ses proches, de ses éditeurs, ainsi que des autorités françaises. Selon le magazine « Marianne », et confirmé par d’autres médias, l’auteur aurait été arrêté par les services de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) algérienne, avant d’être emprisonné. Depuis, il devrait être présenté devant le procureur de la République algérienne, mais aucun détail officiel n’a été communiqué.

Un intellectuel critique et une figure engagée

Boualem Sansal est une voix critique majeure de la scène littéraire et politique algérienne. Depuis ses débuts en littérature, en 1999, avec « Le serment des barbares », il a dénoncé les dérives du régime en place. Ses œuvres, dont « 2084 : La fin du monde » et « Le village de l’Allemand », s’attaquent à la corruption, à l’autoritarisme, et à l’idéologie islamiste qui corrompent selon lui l’Algérie. Ces prises de position lui ont valu d’être censuré dans son pays natal, où certains de ses livres sont interdits. Malgré les menaces, il continuait de voyager régulièrement entre la France, où il a obtenu la nationalité en 2024, et l’Algérie.

En 2020, en pleine pandémie de COVID-19, Boualem Sansal décrivait une Algérie « en ruine, dépendante d’une rente pétrolière finissante », où « l’industrie est morte et l’administration corrompue ». L’auteur, qui avait alors qualifié la situation de son pays de « confinement permanent », était aussi critique envers les divisions des mouvements contestataires (notamment le « Hirak ») et l’incapacité du pouvoir à réformer l’État.

Les circonstances troublantes de son arrestation

Selon le média « Marianne », Boualem Sansal aurait été interpellé peu après son arrivée à Alger, sans que les autorités n’en expliquent la raison. Depuis, son éditeur « Gallimard » et ses proches n’ont plus eu aucun contact avec lui, et son téléphone reste éteint. Les ambassades et consulats français en Algérie ont été alertés et tentent de vérifier les informations. Les observateurs rappellent que cette disparition survient dans un contexte marqué par des tensions croissantes entre Paris et Alger, notamment sur des dossiers diplomatiques comme la question du Sahara occidental.

Le profil de Boualem Sansal, en tant qu’intellectuel libre et critique du système, en fait une cible potentielle pour les autorités algériennes, habituées à surveiller étroitement les voix dissidentes. Son arrestation présumée rappelle d’autres affaires similaires, comme celles touchant des journalistes ou écrivains algériens ayant subi des pressions ou des arrestations en raison de leurs positions critiques.

Une mobilisation internationale

En France, l’arrestation de Boualem Sansal a suscité une vague d’indignation. De nombreuses personnalités politiques, notamment à droite, ont exprimé leur soutien à l’écrivain et ont appelé le gouvernement à agir. L’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, s’est dit « profondément inquiet » et a engagé les autorités françaises et européennes à intervenir pour garantir la sécurité et la liberté de Boualem Sansal. Des figures comme Nicolas Dupont-Aignan, Éric Ciotti, et Marion Maréchal ont également dénoncé la répression exercée par le régime algérien, qualifiant cette situation de « honte » et appelant à une pression diplomatique.

Le président Emmanuel Macron, en déplacement au Chili, aurait lui aussi exprimé sa « préoccupation » face à cet incident.

Boualem Sansa est présenté ainsi comme un symbole de la résistance intellectuelle face à l’autoritarisme.

Un contexte politique complexe

Le régime algérien, accusé par l’écrivain lui-même d’être « incapable de se réformer », est confronté à des défis majeurs, notamment économiques, sociaux, et politiques. L’arrestation présumée de Boualem Sansal pourrait aggraver les tensions avec la France, alors que les relations entre les deux pays traversent déjà une phase difficile.

Dans un contexte où l’Algérie a multiplié les gestes hostiles envers des figures intellectuelles, comme l’écrivain Kamel Daoud accusé de diffamation en 2024, la situation de Boualem Sansal apparaît emblématique des menaces qui pèsent sur les défenseurs de la liberté de pensée.

Une œuvre toujours vivante malgré la censure

Boualem Sansal a marqué la littérature contemporaine avec des œuvres engagées, souvent primées à l’étranger. « 2084 : La fin du monde », une dystopie inspirée d’Orwell qui critique l’extrémisme religieux, a reçu un large succès public. Son dernier ouvrage, « Abraham ou la cinquième Alliance », publié en 2021, continue de réfléchir sur les faiblesses et les dérives des systèmes religieux et politiques.

Malgré la censure en Algérie, son message reste accessible au-delà des frontières, notamment grâce aux traductions et à sa reconnaissance internationale.

Conclusion

L’arrestation présumée de Boualem Sansal constitue un signal inquiétant pour la liberté d’expression en Algérie et rappelle les défis auxquels font face les intellectuels critiques dans des régimes autoritaires. Tandis que les proches de l’écrivain espèrent des éclaircissements rapides sur sa situation, la mobilisation internationale, et notamment française, pourrait jouer un rôle clé dans son éventuelle libération. Au-delà de sa personne, cette affaire souligne l’importance de défendre les droits des penseurs libres.

Clara Höser

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