En cette semaine du 22 janvier 2025 a lieu le festival cinéma Télérama, qui propose des ressorties de films de 2024, mais aussi quelques avant-premières. Alors, puisque l’occasion se présente et que, de plus, nous n’avions pas eu l’opportunité de voir l’un des cinq films que nous trouvions intéressants, parmi ceux dont c’est la semaine officielle de sorties dans les salles obscures françaises, nous avons décidé de vous parler de « A real pain », film états-unien déjà multi récompensé (à juste titre) et l’un des cinq longs métrages qui ont eu l’honneur d’avoir des avant-premières dans le cadre du « festival cinéma Télérama » et dont la date officielle de sortie dans les salles obscures de l’Hexagone est fixée au 26 février prochain, et ce d’autant que nous avons déjà un autre film de prévu pour notre critique de cette même semaine.
Parmi les cinq films proposés en avant-premières, en cette semaine du 22 janvier, dans le cadre du « festival cinéma Télérama » se trouve au moins une véritable pépite, « A Real Pain », déjà confirmée par de nombreuses récompenses, dont, le golden globe 2025 du meilleur acteur dans un rôle de soutien (nous préférons le terme anglo-saxon de « supporting role » que celui de « second rôle » car mettant mieux en évidence l’importance de ces rôles) pour Kieran Culkin, enfant-vedette du cinéma, ayant débuté à l’âge de huit ans dans « Maman j’ai raté l’avion » 1 & 2, « Le père de la mariée » 1 & 2, mais aussi, dans « Igby », film d’auteur dont il tient le rôle titre, à l’âge de 20 ans et pour lequel il a été plusieurs fois primé, ainsi que pour la série télévisée « Succession », là encore multi-primé et qui démontre que, à plus de quarante ans maintenant, il mérite pleinement sa place parmi les plus reconnus, tant il est époustouflant dans « a real pain ».

« A real pain » est le deuxième film entant que réalisateur de Jesse Eisenberg, qu’autant les cinéphiles avertis que le grand public consommateur de très grosses productions hollywoodiennes connaissent, puis qu’aussi à l’aise dans des films d’auteurs à tout petit budget (ce qu’il est, lui aussi, à présent, « A real pain » n’ayant coûté que 3 millions de dollars) ayant connus des succès critiques comme « Double » ou encore « Resistance » (dans lequel il interprète le rôle du mime français Marcel Marceau), que dans des films de grands réalisateurs indépendants à budget modestes pour leur apport au 7e Art, comme les deux de Woody Allen dans lesquels il a joué (« To Rome with love » et « Café society »), ou carrément pour ses rôles dans des « objets visuels » de la grosse industrie hollywoodienne dont celui de Lex Luthor dans l’univers étendu des films de super-héros DC Comics. Un tel CV permet à Jesse Eisenberg de pouvoir choisir de réaliser des films classés dans le cinéma indépendant, à tout petit budget, mais tout en pouvant se payer le luxe d’avoir des interprètes très bien placés en terme de renommée et d’accès aux plus grands médias. C’ était le cas dès son premier film, « When you finish saving the world », sorti en 2022, avec la grande Julianne Moore et, dans le rôle principal, Finn Wolfhard, principalement (reconnu) pour ses rôles dans des films de genre fantastiques, tels que « Ça » ou la reprise de la saga « SOS fantômes » (« Ghostbusters » en version originale – ndlr), et il en est également ainsi dans « A real pain », avec, comme nous l’avons indiqué plus haut,la présence de l’acteur Kieran Culkin, ou encore de l’actrice Jennifer Grey, idole de toute une génération de romantiques pour son rôle principal dans « Dirty Dancing », qui, à 65 ans, revient dans un film à succès (« A real pain » ayant déjà récolté plus de 21 millions de dollars de recettes dans le monde alors qu’il est encore à exploiter dans plusieurs pays comme la France) après douze ans d’absence au cinéma et six depuis sa dernière prestation remarquée dans la série télévisée « Grey’s anatomy ».

Pour ce qui est de l’histoire elle-même de « A real pain », il s’agit d’un film hybride, avec une « épanadiplose de situation » ayant des apparences de comédie alors qu’il fait rire sur des choses qui, en réalité, sont dramatiques, mêlant les genres « film de potes » (buddy movie », film de voyage (« road-trip movie »), questionnant sur ce qu’est la mémoire, la transmission de celle-ci, particulièrement de souffrances subies par une génération à une qui ne peut pratiquement plus interroger celle premièrement concernée du fait que le temps l’a conduite dans la tombe, et comment vivre avec tout cela, traitant, ici, de celle des juifs et de la Shoah.
Dans « A real pain », À la suite du décès de leur grand-mère, David (Jesse Eisenberg) et Benji (Kieran Culkin), deux cousins états-uniens juifs (mais non croyants), se rendent en Pologne pour en apprendre davantage sur leur passé et leurs racines en participant à une voyage organisé conçu spécifiquement pour visiter divers sites où on vécut, mais aussi ont été exterminés, les juifs polonais sous l’occupation de l’Allemagne antisémite, notamment à une visite guidée du camp de concentration et d’extermination de Majdanek, situé à la sortie de la ville de Lublin (quasiment inconnu du « grand public » mais pourtant si important dans le drame connu par les juifs polonais et dont la famille du réalisateur est originaire de Lublin), en compagnie d’un couple texan à la retraite, de Marcia (Jennifer Grey), une Californienne fraîchement divorcée, d’Eloge, un survivant du génocide rwandais converti au judaïsme, d’abord par sentiment de « souffrances communes », et de leur guide, universitaire spécialisé sur la Shoah – bien que non-juif –, et très (trop) prolixe James (interprété par Tim Sharpe, que connaissent ceux – très peu nombreux – qui ont vu la relecture féministe woke du célèbre film érotique « Emmanuelle », réalisé par la française Audrey Diwan).

Au-delà du message sur la Shoah et sa transmission, sa façon d’être intégrée, ressentie, vécue par les juifs des générations qui en sont éloignées de part le temps qui passe, « A real pain » nous brosse les portraits de deux hommes encore jeunes, cousins ayant leur grand-mère juive polonaise en commun, aux personnalités et aux parcours de vie diamétralement opposés, et la façon dont ils vivent cet antagonisme qui a toujours été entre eux dès leur prime jeunesse, mais qu’une amitié que l’on peut qualifier de fraternelle a permis de dépasser. Leurs différences, qui les placent dans deux mondes tout à fait distincts l’un de l’autre, en terme de caractères, de parcours professionnels et de cheminement de vies sont, en fait, des trompe-l’œil, des apparences que chacun donne, laissant penser que – y compris à David (Jesse Eisenberg) – que Benji (Kieran Culkin) est un homme qui jouit d’une immense liberté, étant sans filtre dans ses propos, loin des conventions et même de bon nombres de lois,sans manières dans sa façon d’être – bref, tout de l’ « altermondialiste baba-cool gauchiste » – ce qui le rend très populaire partout où il se trouve car tout de même attachant du fait qu’il laisse parler sa grande « sensibilité aux souffrances humaines » (dès fois totalement à raison, comme dans la scène du cimetière juif) – ce qui le fait rejeter la société capitaliste. David étant, quant à lui, totalement introverti, mais installé dans la vie, avec un foyer sans véritable orage au-dessus de sa tête, composé d’une femme et d’un fils visiblement aimant et tous les trois très unis et, qui plus est, ayant un travail stable et bien rémunéré mais « purement capitaliste », puisque celui-ci consiste à créer et poser les bannières de publicités sur les sites internet. Sauf que, sans dévoiler l’essentiel de cette partie de l’histoire, si David mène une vie que l’on pourrait qualifier de « sans intérêt », « banale », « sans aventure », « esclavagiste » de part le moule dans lequel elle vous met, Benji (comme tous ceux qui vivent de la même manière) est, en définitive, dans l’illusion de la Liberté, car totalement aliéné par l’idéologie qui en est l’essence. D’ailleurs, la confrontation entre ces modes de pensées séparant les principaux protagonistes – surtout le mode de pensée « gauchiste-woke », on le trouvait déjà comme l’un des principaux sujets du premier film de Jesse Eisenberg, « When you finish saving the world », où le jeune héros, Ziggy, un adolescent renfermé qui joue de la musique folk sur sa chaîne YouTube, (pré)occupé par le fait de se faire une carrière, et sa mère, Evelyn, une intellectuelle de gauche et woke en bien des points, qui travaille dans le social et consacre sa vie à « aider les autres », s’affrontent mais essaient de se trouver, de se réconcilier malgré leurs grandes différences.

Mais, en présentant cette totale opposition de vies et de modes de penser des deux cousins, Jesse Eisenberg nous montre, surtout, que, devant la violence hors de l’entendement humain de l’extermination des juifs d’Europe par le régime antisémite allemande des années 1930-40 (que nous ne qualifions pas, ici, de « nazi » car cet acronyme est celui de « NationalsoZialismus » – « National socialisme » en français – qui est le nom d’une idéologie politique qui n’inclue pas l’antisémitisme de facto, par exemple, l’actuel gouvernement socialiste danois est, dans la pratique, du « National socialisme », mais n’a rien à voir avec la haine des juifs – ndr), il n’y a pas de raison de vivre sur son « quant-à-soi » idéologique et/ou social (et ce, pas uniquement entre juifs et/ou membres d’une même famille, bien qu’hélas, l’actualité, particulièrement depuis le 7 octobre 2023 – et à la surprise générale de toute personne « humaine » – a démontré que le fanatisme de l’extrême-gauche, soi-disant si éveillée aux « souffrances des minorités », était incapable de faire taire le reste de ses divergences politiques et sociétales d’avec les autres partis politiques, pour « s’émouvoir » – dans le bon sens du terme – de pogrom moderne).


« A real pain » est, comme vous le comprenez, un film sensible, touchant et d’une grande profondeur, à plusieurs lectures, dans lequel les éléments humoristiques sont présents comme protections contre les violences des sujets qu’il traite, typique des blagues juives et des œuvres de leurs principaux représentants, comme Woody Allen.
Un film à ne pas manquer que « A real pain », qui sortira dans les salles françaises le 26 février prochain et pour lequel nous espérons un succès hexagonal qui soit dans la continuité de celui qu’il connaît déjà à travers le monde, et auquel nous donnons la note de 8/10.
Christian Estevez