Libye : relance de l’exploration pétrolière face à l’instabilité politique et à la corruption

En dépit des fragilités sécuritaires, politiques et économiques qui gangrènent le secteur énergétique libyen, Tripoli cherche à relancer l’exploration pétrolière pour accroître ses exportations. Lors du Sommet libyen sur l’énergie et l’économie, les autorités ont fait part de leur ambition d’attirer des investissements étrangers. Toutefois, la situation de fragmentation du pays et les accusations de corruption risquent de limiter l’impact de ces initiatives.

Alors que la Libye lutte contre l’instabilité politique, le morcellement du territoire entre groupes armés et la corruption, les autorités de Tripoli souhaitent relancer les campagnes d’exploration pétrolière pour augmenter les exportations de pétrole. Lors du Sommet libyen sur l’énergie et l’économie, qui s’est tenu les 18 et 19 janvier 2025 à Tripoli, le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah a annoncé de nouveaux projets pour renforcer la production de pétrole du pays, dont les réserves sont estimées à 48 milliards de barils, soit près de 41 % des réserves prouvées en Afrique.

Le gouvernement libyen ambitionne d’atteindre une production de 1,7 million de barils par jour, niveau atteint avant la chute du régime de Kadhafi en 2011, bien que la production actuelle se situe autour de 1,4 million de barils par jour. Pour y parvenir, Tripoli prévoit d’attribuer de nouvelles licences pour l’exploration pétrolière et gazière en 2025. Ce projet vise à attirer des investisseurs internationaux, comme les géants TotalEnergies, Eni et BP, et à stimuler les capacités techniques nécessaires pour compenser la baisse de production des champs vieillissants.

Cependant, l’industrie énergétique libyenne reste fortement dépendante des dynamiques politiques internes, marquées par l’opposition entre les autorités de l’Est, soutenues par le maréchal Khalifa Haftar, et celles de Tripoli. Le secteur pétrolier est souvent utilisé comme un levier de pression politique, comme en témoigne la fermeture temporaire des champs pétroliers par les autorités de l’Est en août 2024 pour obtenir des concessions politiques. La corruption est également un problème majeur, avec des détournements de pétrole brut et des pratiques frauduleuses.

Emadeddin Badi, analyste au Atlantic Council, avertit que sans des réformes concrètes et des garanties de transparence, les efforts pour attirer des investissements étrangers risquent de n’être qu’un simple exercice de communication. La Libye continue de lutter contre les pratiques illégales dans le secteur énergétique, où des acteurs politico-militaires détournent des millions de barils pour financer leurs activités ou effectuer des transactions en dehors des canaux officiels.

Les tensions autour de la gestion des hydrocarbures ont atteint un sommet avec la démission, en janvier 2025, de Farhat Bengdara, président de la National Oil Corporation (NOC), après des accusations de détournements de pétrole. Le prochain responsable devra relever un défi de taille : restaurer l’intégrité du secteur, dont dépendent 97 % des revenus de l’État, afin de préserver les finances du pays.

Dans ce contexte de fragilité économique, la Libye tente de diversifier son économie en développant des projets d’énergies renouvelables, notamment solaires et éoliens. Toutefois, ces initiatives restent à un stade embryonnaire, et l’avenir du pays semble toujours étroitement lié aux fluctuations des prix du pétrole.

Clara Höser

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