Liban : formation du premier gouvernement depuis deux ans dans un contexte de crise et de tensions régionales

Après deux années d’impasse politique, le Liban a enfin formé un gouvernement à part entière. Ce samedi 8 février, le président Joseph Aoun a annoncé avoir accepté la démission du gouvernement intérimaire et signé un décret officialisant le nouveau cabinet dirigé par Nawaf Salam, un diplomate chevronné et ancien président de la Cour internationale de justice.

Un gouvernement face à de nombreux défis

Ce nouveau gouvernement, composé de 24 ministres répartis équitablement entre chrétiens et musulmans conformément au système confessionnel du pays, marque un moment crucial pour un Liban toujours aux prises avec une crise économique et politique profonde. Depuis 2019, la nation a subi l’effondrement de son secteur bancaire, la dégradation des services publics essentiels comme l’électricité, et une explosion de la pauvreté.

Nawaf Salam a déclaré que sa priorité serait de « restaurer la confiance entre les citoyens et l’État, ainsi qu’entre le Liban et la communauté internationale ». Il s’est engagé à mettre en œuvre des réformes économiques et judiciaires pour sortir le pays de cette crise prolongée, tout en assurant la reconstruction des régions touchées par la récente guerre avec Israël.

Il a également promis de superviser l’application de l’accord de cessez-le-feu signé fin novembre, visant à mettre fin aux affrontements entre Israël et le Hezbollah. Parmi ses engagements figure la garantie que les forces israéliennes se retirent « jusqu’au dernier centimètre » du territoire libanais.

Un tournant politique et sécuritaire

La formation du cabinet intervient dans un contexte politique marqué par un changement d’attitude vis-à-vis du Hezbollah, le groupe militant chiite dominant une grande partie de la scène libanaise. Bien que le Hezbollah n’ait pas soutenu Nawaf Salam comme premier ministre, il a négocié pour obtenir des sièges ministériels réservés à la communauté chiite. Ce développement reflète les efforts de Beyrouth pour rééquilibrer ses relations avec ses voisins arabes, en particulier l’Arabie saoudite, tout en répondant aux inquiétudes internationales sur l’influence croissante du Hezbollah.

De son côté, le président Joseph Aoun, élu en janvier, a également affiché sa volonté de renforcer le monopole de l’État sur le port des armes, une référence aux arsenaux du Hezbollah.

Tensions à la frontière et frappes israéliennes

Parallèlement, la sécurité reste un défi majeur. Des affrontements ont éclaté à la frontière orientale avec la Syrie, où des groupes armés, dont d’anciens membres de Hayat Tahrir al-Cham, s’opposent aux forces libanaises et syriennes. L’armée libanaise a rapporté des tirs en provenance du territoire syrien, auxquels elle a riposté.

De plus, Israël a intensifié ses frappes ciblées contre des positions présumées du Hezbollah. Samedi, une frappe de drone dans la région de Janata a tué six personnes, selon l’agence libanaise NPA. Israël affirme avoir visé un site de fabrication d’armes stratégiques appartenant au Hezbollah, dans le cadre de sa « légitime défense ».

Espoirs et incertitudes

Malgré les tensions, la formation de ce gouvernement offre une lueur d’espoir pour le Liban, qui aspire à une stabilité politique et à une reprise économique. Cependant, avec des défis sécuritaires, économiques et diplomatiques complexes, la tâche qui attend Nawaf Salam et son cabinet est titanesque. Le prolongement de l’accord de cessez-le-feu jusqu’au 18 février pourrait offrir une fenêtre pour renforcer la paix, mais les risques d’une escalade restent élevés.

Joseph Kouamé

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