Lors du comité interministériel sur l’immigration du mercredi 26 février, François Bayrou a annoncé vouloir “réexaminer” les accords franco-algériens de 1968, sans pour autant les dénoncer. Ces accords accordent un régime spécifique aux ressortissants algériens en matière de séjour et d’emploi en France. Mais que se passerait-il si le Premier ministre changeait d’avis et décidait d’y mettre fin ?
Un accord historique qui facilite l’immigration algérienne
Signé le 27 décembre 1968, cet accord bilatéral accorde aux Algériens un statut dérogatoire au droit commun de l’immigration en France. Ils peuvent ainsi s’installer plus facilement sur le territoire français sans visa de long séjour, à condition d’obtenir un certificat de résidence. En 2023, 615 000 certificats de résidence ont été délivrés sous ce régime particulier.
Les principales dispositions de cet accord incluent :
• Un accès facilité au territoire français : Pas de visa de long séjour requis, possibilité de s’établir librement comme commerçant ou professionnel indépendant.
• Un titre de séjour plus rapide : Les Algériens peuvent obtenir une carte de séjour de 10 ans après seulement trois ans de présence en France, contre cinq ans pour les autres nationalités.
• Un regroupement familial simplifié : Les membres de la famille bénéficient du même certificat de résidence que le parent qu’ils rejoignent.
• Des restrictions spécifiques : En contrepartie, les Algériens ne peuvent pas prétendre à certains titres de séjour récents, comme le “passeport talent”, ni être régularisés par le travail.
Cet accord a été signé dans un contexte économique et historique particulier, six ans après la fin de la guerre d’Algérie. À l’époque, la France avait besoin de main-d’œuvre, et le texte visait à maintenir un “courant régulier de travailleurs” depuis l’Algérie.
Un accord contesté et déjà modifié à plusieurs reprises
Depuis sa signature, l’accord a été révisé trois fois (en 1985, 1994 et 2001), mais ses principes fondamentaux sont restés intacts. Toutefois, il est régulièrement remis en cause par une partie de la classe politique française, qui le juge obsolète.
En 2023, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe avait relancé le débat, et le président du Sénat, Gérard Larcher, estimait qu’il fallait le “réexaminer”. Aujourd’hui, François Bayrou suit cette tendance en proposant une réévaluation du texte.
Quelles conséquences si François Bayrou décidait de le dénoncer ?
Si le gouvernement français venait à dénoncer cet accord, les ressortissants algériens perdraient plusieurs privilèges :
• Obligation d’un visa de long séjour : Actuellement, un simple certificat de résidence suffit pour un séjour de plus de trois mois. En cas d’abrogation de l’accord, les Algériens devraient demander un visa comme les autres non-européens.
• Un titre de séjour plus difficile à obtenir : Le délai passerait de trois à cinq ans avant de pouvoir obtenir un titre de séjour de 10 ans.
• Un regroupement familial plus long : L’attente pour faire venir sa famille en France serait de 18 mois, contre des délais plus courts actuellement.
• Fin de la liberté d’établissement : Aujourd’hui, les Algériens sont les seuls non-européens autorisés à ouvrir un commerce en France sans autorisation préalable. En cas d’abrogation de l’accord, ils devraient obtenir un titre spécifique pour entreprendre.
Une réaction immédiate de l’Algérie
L’Algérie a déjà réagi vivement à la volonté française de réexaminer ces accords. Le 26 février, en signe de protestation, le Sénat algérien a suspendu ses relations avec le Sénat français. Cette rupture intervient après la visite du président du Sénat français, Gérard Larcher, au Sahara occidental, une région où l’Algérie soutient le mouvement indépendantiste du Polisario contre le Maroc.
Alger a également rappelé son ambassadeur en France et menace d’autres mesures de rétorsion. La dénonciation de ces accords risquerait d’accentuer encore plus les tensions diplomatiques entre les deux pays.
Une opinion publique favorable à des restrictions
Un sondage CSA pour Europe 1, CNews et le JDD révèle que 74 % des Français sont favorables à la suspension totale des visas pour les Algériens sous le coup d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Cette donnée illustre une attente forte d’un durcissement des conditions d’immigration en provenance d’Algérie.
Un débat politique et diplomatique brûlant
Si François Bayrou maintient sa position de simple “réexamen” des accords de 1968, une dénonciation complète pourrait avoir des répercussions majeures sur les relations entre la France et l’Algérie. Entre tensions diplomatiques et impact sur les ressortissants algériens en France, ce dossier s’annonce comme un sujet sensible dans le débat politique à venir.
Didier Maréchal