Berlin change de cap. Le Bundestag, chambre basse du parlement allemand, a adopté ce mardi un plan historique d’investissement dans la défense, financé par un endettement massif. Ce vote marque un tournant majeur pour un pays longtemps marqué par la prudence budgétaire et la retenue militaire. L’objectif : moderniser les forces armées allemandes, relancer une économie affaiblie, et s’imposer comme la puissance militaire de référence en Europe, devant la France.
Une modification constitutionnelle majeure
Pour concrétiser ce projet, les députés allemands ont voté une modification de la Constitution visant à assouplir le célèbre « frein à l’endettement », une règle limitant les déficits publics à 0,35 % du PIB. Grâce à cet amendement, les dépenses de défense supérieures à 1 % du PIB, ainsi que l’aide à l’Ukraine, seront désormais exemptées de ces restrictions.
Le vote a été acquis à une large majorité : 513 députés ont voté pour, dépassant les 489 voix requises. 207 députés ont voté contre, sans qu’aucune abstention ne soit enregistrée. La coalition soutenant cette réforme rassemble les chrétiens-démocrates de Friedrich Merz, futur chancelier probable, les sociaux-démocrates du chancelier sortant Olaf Scholz, et les Verts. Le scrutin a eu lieu juste avant l’installation du nouveau Bundestag, afin d’éviter une opposition renforcée par la percée de l’extrême droite (AfD) et de la gauche radicale (Die Linke).
Endettement massif pour relancer l’armée et l’économie
Le plan prévoit jusqu’à 1 000 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour renforcer l’armée et moderniser les infrastructures. Un fonds spécial hors budget de 500 milliards d’euros sera créé, dont 100 milliards seront alloués à la transition écologique. Le gouvernement mise ainsi sur un double objectif : relancer la croissance économique tout en dotant la Bundeswehr de capacités militaires de pointe.
Friedrich Merz a justifié ce tournant en invoquant la menace russe et la nécessité pour l’Allemagne de réduire sa dépendance envers les États-Unis en matière de défense. « Nous devons construire une nouvelle communauté européenne de défense, même avec des pays extérieurs à l’Union européenne », a-t-il déclaré.
Une commande de missiles pour affirmer sa puissance
Berlin ne perd pas de temps. Le 18 décembre 2024, la Bundeswehr a validé l’achat de 120 missiles Patriot PAC-3 MSE, d’une valeur de 763,5 millions d’euros, pour renforcer sa défense aérienne. Cette acquisition auprès des États-Unis (via le programme FMS) est considérée comme un élément clé du renforcement stratégique des capacités militaires allemandes.
La livraison de 75 missiles est prévue en 2028, les 45 restants en 2029. Les fonds proviennent à la fois du budget de la défense et du fonds spécial de la Bundeswehr. Ces missiles, capables d’intercepter des menaces à haute altitude, visent à faire de l’Allemagne un acteur majeur de la défense aérienne au sein de l’OTAN.
L’armée allemande de 2025 : modernisation accélérée
L’Allemagne ambitionne de passer de 180 000 à 203 000 soldats, avec l’introduction d’un nouveau service militaire en 2025 qui recrutera 5 000 conscrits par an. Une quatrième division dédiée à la sécurité intérieure est en cours de création, et la cyberdéfense devient une branche militaire à part entière. Toutefois, la Bundeswehr reste confrontée à des défis : pénurie de munitions, retards d’équipements, et manque de capacités logistiques.
Une course avec la France pour le leadership militaire en Europe
Derrière ces efforts, un objectif clair : doubler la France en tant que puissance militaire dominante en Europe. Alors que Paris reste un pilier de la dissuasion nucléaire et des opérations extérieures, Berlin compte sur ses investissements colossaux pour reprendre l’ascendant stratégique, tout en poussant vers une intégration militaire européenne.
Le vote du Bundestag constitue également un premier test réussi pour Friedrich Merz, en passe de devenir chancelier. Mais pour que le plan entre en vigueur, l’approbation du Bundesrat, chambre haute du parlement, est encore nécessaire avant vendredi. Une majorité des deux tiers y est également requise.
Jeudi, les dirigeants européens se réuniront à Bruxelles pour discuter de la défense commune, de l’Ukraine, et de la compétitivité de l’UE. L’Allemagne entend y arriver en position de force.