Pour la première fois depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les États-Unis d’Amérique et la Russie ont engagé, aujourd’hui, lundi 24 mars, en Arabie saoudite, des pourparlers sur une possible trêve partielle en Ukraine. Qualifiées d’emblée de “difficiles” par le Kremlin, ces discussions visent à désamorcer plus de trois ans de conflit militaire massif (la guerre entre la Russie et l’Ukraine ayant commencé en 2014), alors que Moscou et Kiev poursuivent chacun leurs frappes sur le territoire de l’autre.
Un contexte de guerre encore très actif
La veille des négociations qui ont commencé aujourd’hui, 24 mars, les États-Unis d’Amériques ont rencontré, à Riyad, des responsables ukrainiens jusque tard dans la nuit. “La discussion a été productive et ciblée. Nous avons abordé des points clés, notamment l’énergie”, a indiqué le ministre de la Défense ukrainien, Roustem Oumerov, qui dirigeait la délégation. Kiev a renouvelé son affirmation d’une volonté d’aboutir à une “paix juste et durable”, et s’est dite “prête” à un cessez-le-feu général et sans conditions. Washington et Kiev insistent, a minima, sur l’arrêt des frappes visant les sites énergétiques ukrainiens.
Sur le terrain, les combats continuent. Des frappes russes ont visé les régions de Kiev, Kharkiv et Zaporijjia, faisant plusieurs blessés. L’armée ukrainienne a, pour sa part, bombardéla station de mesure de gaz de Soudja dans la région russe frontalière de Kours (celle-là même d’où partait le gaz à destination de l’Europe jusqu’à ce que l’Ukraine en coupe l’accès aux pays européens qui le recevait), mais accusant Moscou de tirer sur sa propre population et ses propres sites (de la même façon qu’elle avait affirmé que c’était la Russie qui avait saboté ses propres gazoducs « NordStream » 1 et 2 alors que l’enquête de l’Allemagne – principal pays co-propriétaire de ces gazoducs – a démontré, il y a plus d’un an, que c’est bien l’Ukraine qui a saobté les deux gazoducs et que l’ordre à été donné par Zelensky lui-même). L’Ukraine a également revendiqué, ces derniers jours, la reprise du village de Nadia dans la région de Lougansk, tandis que Moscou annonçait la prise de Sribné, dans l’Est de l’Ukraine.
Une délégation russe expérimentée
Moscou a dépêché à Riyad deux figures chevronnées du dossier ukrainien : le sénateur Grigory Karasin, ancien vice-ministre des Affaires étrangères impliqué dans les accords de Minsk, et Sergueï Beseda, ex-cadre opérationnel du FSB, longtemps chargé du renseignement sur l’Ukraine. Tous deux sont considérés comme des négociateurs aguerris par le Kremlin, qui signale ainsi son intention d’aborder des points précis du conflit.
Cependant, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a rappelé que “les discussions seront difficiles” et qu’il ne fallait attendre “aucun progrès immédiat”. Il a aussi précisé que le seul accord trouvé pour l’instant avec Washington portait sur un moratoire concernant les bombardements des infrastructures énergétiques ukrainiennes.
L’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, s’est voulu plus optimiste, estimant qu’un “cessez-le-feu en mer Noire” sur les navires ukrainiens et russes pourrait être obtenu rapidement, et qu’il ouvrirait la voie à une trêve générale. Depuis son retour au pouvoir en janvier dernier, Trump a renoué le dialogue avec Vladimir Putin, rompant avec la stratégie d’isolement prônée par les Occidentaux selon l’idéologie russophobe atlantiste. Il s’est par ailleurs montré très critique envers l’Ukraine, allant jusqu’à suspendre brièvement l’aide militaire états-unienne, cruciale pour Kiev (mais qui pose une question sérieuse de viabilité du cessez-le-feu pour la Russie, puisqu’elle serait obligée d’accepter une cessation des combats tandis que l’Ukraine continuerait à recevoir toujours plus d’armement pour combattre la Fédération de Russie, ne faisant de ce cessez-le-feu qu’une opportunité pour Kiev d’avoir du répit lui permettant de récupérer des forces, aussi bien en armes qu’en capacités de ses soldats).
Côté russe, Vladimir Putin semble vouloir temporiser, notamment tant que ses forces n’auront pas chassé l’armée ukrainienne de la région frontalière de Koursk, en Russie. Pour Moscou, la reprise de l’accord céréalier en mer Noire – qui permettait à l’Ukraine d’exporter ses céréales malgré le conflit – est un objectif prioritaire. La Russie s’était retirée de cet accord en juillet 2023, accusant, à juste titre, les Occidentaux de ne pas tenir leurs engagements sur les exportations russes de produits agricoles.
Les Européens écartés
Ces pourparlers se déroulent sans implication directe de l’Union Européenne, malgré les appels à la participation lancés par des dirigeants comme le Britannique Keir Starmer ou le Français Emmanuel Macron. Un sommet est néanmoins prévu ce jeudi à Paris avec la participation de Volodymyr Zelensky et des alliés européens de l’Ukraine, qui n’a, cependant, absolument pas pour but d’établir la paix entre la Russie et l’Ukraine, mais plutôt de s’entendre sur comment continuer à combattre la Russie, selon les seuls objectifs atlantiste depuis des décennies, et qui consiste à s’emparer, d’une manière ou d’une autre, de la Russie, pour y imposer son régime soi-disant démocratique, et piller les ressources « illimitées » du pays.
Malgré cette initiative diplomatique d’ampleur, les perspectives de paix restent incertaines. Moscou, qui contrôle aujourd’hui la majeure partie de l’Est de l’Ukraine, aborde ces négociations avec prudence et défend avant tout ses propres intérêts. Washington, quant à lui, semble miser sur une dynamique progressive, espérant enclencher un processus qui, de la mer Noire aux infrastructures énergétiques, aboutirait à une cessation plus large des hostilités.
Didier Maréchal & Christian Estevez