Le Sénat a adopté mardi une proposition de loi portée par Les Républicains et soutenue par le gouvernement, visant à durcir les conditions d’accès au droit du sol à Mayotte. Le texte prévoit d’exiger qu’un parent réside sur le territoire depuis au moins un an pour que son enfant puisse obtenir la nationalité française.(Avec : AFP).
Bien que vivement contesté par la gauche, il a été adopté grâce au soutien d’une alliance allant de la droite aux macronistes. Cette version, amendée par les sénateurs, diffère de celle adoptée dans la confusion par l’Assemblée nationale début février.
Députés et sénateurs tenteront d’harmoniser leurs positions lors d’une commission mixte paritaire prévue le 1er avril, étape clé avant l’adoption définitive du texte. Élaborée avant le passage du cyclone Chido en décembre, cette proposition de loi renforce une dérogation spécifique à Mayotte, où, depuis 2018, un enfant né sur l’archipel doit avoir un parent résidant légalement en France depuis au moins trois mois pour pouvoir prétendre à la nationalité française.
Le Sénat a choisi d’étendre ce délai à un an, un choix partagé par le gouvernement. L’exécutif se montre déterminé, ces dernières semaines, à agir sur le dossier migratoire dans ce département de l’océan Indien, concerné par une forte immigration venue notamment des Comores voisines. La population de Mayotte est estimée par l’Insee à quelque 320.000 habitants. «Près de la moitié des habitants sont des étrangers», précise l’Insee, et selon une enquête menée en 2016, environ «la moitié des étrangers» étaient alors «en situation irrégulière».
Un ou deux parents concernés ?
«L’accès à la nationalité ne saurait découler d’une simple présence. C’est bien le fruit d’une intégration réelle, durable, respectueuse de notre communauté nationale», a plaidé le ministre de la Justice Gérald Darmanin. Le garde des Sceaux a salué «l’équilibre» de la proposition du Sénat, qui a largement amoindri la rédaction issue de l’Assemblée nationale. Les députés avaient porté le délai de résidence à trois ans, après l’adoption dans la confusion d’un amendement du groupe UDR d’Eric Ciotti. Une mesure toutefois jugée contraire à la Constitution par de très nombreux parlementaires.
Un léger désaccord au sein du camp gouvernemental a tout de même émergé sur l’hypothèse d’imposer ces restrictions aux deux parents. Les sénateurs ont opté pour le maintien du droit existant -un seul parent concerné-, craignant une multiplication des reconnaissances frauduleuses de paternité. Ce texte «permettra sans aucun doute de dissuader certains candidats à l’immigration, pour qui l’accès éventuel à la nationalité constitue un réel facteur d’attractivité», a appuyé le rapporteur LR du Sénat, Stéphane Le Rudulier.
Une analyse fustigée par l’ensemble de la gauche, l’écologiste Mélanie Vogel estimant que la réforme de 2018 n’avait eu «aucun impact» sur «l’attractivité du territoire». «On ne peut pas légiférer sur des fantasmes», a-t-elle repris, sa collègue communiste Évelyne Corbière Naminzo martelant que «retirer des droits aux uns n’augmente pas mécaniquement ceux des autres», alors que Mayotte souffre de grandes difficultés humanitaires, économiques et sociales.