Yves Boisset, l’un des réalisateurs français les plus engagés des années 1970 et 1980, est décédé ce lundi 31 mars à l’âge de 86 ans, a annoncé sa famille à l’AFP. Connu pour ses films politiques et sociaux, il avait marqué le cinéma avec des œuvres coup de poing comme « Dupont Lajoie », dénonçant le racisme, et « L’Attentat », inspiré de l’affaire Ben Barka.
Un cinéaste engagé contre les injustices
Né le 14 mars 1939 à Paris, Yves Boisset a toujours conçu le cinéma comme un combat. Diplômé de cinéma, il a d’abord été journaliste avant de travailler comme assistant auprès de grands réalisateurs tels que Jean-Pierre Melville et Vittorio de Sica. Après un premier film d’action en 1968 (Coplan sauve sa peau), il se tourne vers un cinéma plus engagé.
Son premier succès, Un condé (1970), est un portrait sombre de la police qui marque le début de ses démêlés avec la censure. Mais c’est surtout L’Attentat (1972), inspiré de l’assassinat de Mehdi Ben Barka, qui l’installe comme un réalisateur majeur du polar politique. Ce film critique envers le pouvoir gaulliste rencontre de nombreux obstacles, notamment des interdictions de tournage.
Avec R.A.S (1973), il devient l’un des premiers cinéastes à traiter de la guerre d’Algérie. Le film subit des censures, des vols de bobines et des blocages financiers, mais il trouve son public.
Des films marquants malgré la censure et les menaces
En 1975, Boisset réalise Dupont Lajoie, inspiré de crimes racistes commis à Marseille. Le film, avec Jean Carmet dans un rôle glaçant, suscite des controverses et provoque des incidents lors de sa sortie.
Deux ans plus tard, il tourne Le Juge Fayard dit “le Shériff”, inspiré de l’assassinat du juge François Renaud. Face à la pression du pouvoir, il doit masquer toute référence au SAC (Service d’Action Civique), organisation gaulliste. Le film devient néanmoins un succès retentissant, amplifié par la réaction du public.
Parmi ses autres films notables, on retrouve Espion, lève-toi (1982) avec Lino Ventura, Le Prix du danger (1983) avec Gérard Lanvin, une dystopie préfigurant la téléréalité, ainsi que Canicule (1984) avec Lee Marvin.
Un passage vers la télévision
Face aux nombreuses pressions, Boisset s’éloigne du cinéma à partir des années 1990 pour se consacrer à la télévision. Il y poursuit son engagement en réalisant des téléfilms historiques et sociaux comme L’Affaire Seznec (1993), L’Affaire Dreyfus (1995) et Le Pantalon (1997), dénonçant les injustices militaires de la Première Guerre mondiale.
Jusqu’en 2009, il continue de produire des œuvres marquantes comme Les Mystères sanglants de l’Ordre du Temple solaire et L’Affaire Salengro.
Un cinéaste infatigable et un homme de convictions
En 2011, il publie ses mémoires, La Vie est un choix, où il revient sur sa carrière tumultueuse et ses démêlés avec le pouvoir. Il y accuse notamment l’ex-ministre socialiste Michel Charasse d’avoir bloqué un de ses projets sur le commerce des armes, ce qui lui vaudra une condamnation pour diffamation.
Père de trois enfants et passionné d’athlétisme dans sa jeunesse, Yves Boisset laisse derrière lui une filmographie audacieuse, témoin de son engagement sans faille contre les injustices et les dérives du pouvoir. Son cinéma, marqué par une quête de vérité et un regard critique sur la société, continue de résonner aujourd’hui.
Maxime Kouadio