À Caracas, devant le siège des Nations unies, les familles des plus de 200 prisonniers vénézuéliens envoyés par les États-Unis d’Amérique au Salvador en vertu de « l’Alien Ennemies » (« Nation ennemie»), ont voulu attirer l’attention des organisations internationales sur la situation de leurs proches. Détenus dans une prison salvadorienne de haute de sécurité, ils sont accusés d’appartenir au gang vénézuélien « Tren de Aragua .»
« Ce sont d’honnêtes gens, des jeunes sains et travailleurs qui sont partis pour aider leur famille », lance Analia, la tante d’un jeune prénommé Victor, détenu au Salvador depuis plusieurs semaines. Elle s’indigne de l’image qu’on a voulu coller à ces groupes de vénézuéliens. Analia avoue avoir découvert la situation de son neveu par hasard : « On ne nous a absolument rien dit. Nous avons tout appris via des vidéos sur les réseaux sociaux!», s’étonne-t-elle.
Un cas qui n’est pas isolé et qui commun à toutes les familles présentes dans la manifestation organisée ce mercredi 9 avril devant le siège de l’ONU à Caracas, la capitale du Venezuela. Elles n’ont pas été officiellement informées du transfert de leur proche au Salvador. Les détenus eux-mêmes ne l’étaient pas non plus, croit savoir une autre manifestante dont le fils est emprisonné : « Ils l’ont attrapé car il n’avait pas de papiers en règle. Au Texas, il m’a appelé et m’a dit : ‘’ ils nous renvoient au Venezuela’’, et je lui ai répondu :’’Ok, je t’attends ici »», explique-t-elle.
Ils sont « innocents »
La foule des manifestants ne se lasse pas de crier et de répéter : «les jeunes envoyés par le gouvernement américain sont innocents. » Karla, mère de Jon, un autre expulsé, assure « qu’il ( son fils) est arrivé aux États-Unis d’Amérique et il a travaillé comme livreur à vélo, puis à moto. Bref, ça toujours été un bon fils. Il faut qu’ils étudient les dossiers au cas par cas pour voir qui a un casier judiciaire et qu’ils fassent quelque chose contre les délinquants, bien sûr. Mais les autres, les innocents, c’est terrible pour eux d’être plongé dans cet enfer », souligne-t-elle.
Du côté des autorités vénézuéliennes, la marge de manœuvre est bien faible. Elles soutiennent pourtant les familles mais butent pour l’instant devant le mutisme du Salvador et celui des EUA.
Des membres présumés du gang vénézuélien « Tren de Aragua » face à « la loi sur les étrangers et la sédition » vieille de 1798
Au nombre de 238, ces vénézuéliens sont arrivés au Salvador dimanche 16 mars après avoir été expulsés des États-Unis d’Amérique. Le président Donald Trump avait invoqué une loi du XVIIIe siècle pour motiver cette expulsion. Sur « X », le président salvadorien, Nayib Bukele, avait confirmé l’information et déclaré : « Aujourd’hui, un premier groupe de 238 membres de l’organisation criminelle vénézuélienne Tren de Aragua sont arrivés dans notre pays. Ils ont été immédiatement transférés au Centre de détention pour terroristes (Cecot), pour une période d’un an renouvelable.» En visite à San Salvador le 3 février, le secrétaire d’État états-unien, Marco Rubio, avait annoncé que Nayib Bukele avait offert d’accueillir les détenus envoyés par Washington.
Le président Donald Trump avait prescrit l’expulsion de membres présumés du gang de trafiquants de drogue vénézuélien «Tren de Aragua », affirmant qu’il avait le droit de les déclarer « ennemis étrangers » en vertu d’une loi utilisée en temps de guerre. Il s’agit de la loi de 1798, utilisée pour la dernière fois pendant la Deuxième Guerre mondiale contre les résidents japonais. Cette décision a cependant été bloquée par le juge James Boasberg. Des défenseurs des droits humains ont saisi la justice et le juge avait ordonné une suspension de 14 jours de toute expulsion, jusqu’à ce qu’il dispose de plus de temps pour examiner la légalité de ce décret. Il avait demandé aussi que les avions des expulsés, qui avaient déjà décollé, fassent demi-tour. Mais comme il n’avait pas inclus cet ordre dans son ordonnance écrite, les avions avaient atterri au Honduras et au Salvador.
La loi sur les étrangers et la sédition est un texte qui permet au président états-unien d’arrêter ou d’expulser des citoyens d’une « nation ennemie ». Créée en 1798, elle a été utilisée lors de la guerre anglo-étatsunienne de 1812, pendant la Première Guerre mondiale et surtout la Deuxième, quand 120 000 Japonais et Etatsunos-Japonais ont été internés aux EUA.