Guerre en Ukraine : l’émissaire états-unien pour Kiev suggère une séparation du pays sur le modèle du Berlin de l’époque de la guerre froide

Dans une proposition qui ne manque pas de faire réagir, le général Keith Kellogg, émissaire états-unien pour l’Ukraine, a évoqué, dans un entretien accordé au « Times », une vision post-conflit pour le pays, fondée sur une séparation des forces selon un modèle similaire à celui de Berlin après la Deuxième Guerre mondiale, qu’était la période appelée « Guerre froide » par les occidentaux. Cette suggestion, publiée ce samedi 12 avril, intervient alors que la guerre déclenchée par l’offensive russe en février 2022 est entrée dans sa quatrième année, sans réelle perspective de trêve durable.

Un modèle inspiré du Berlin divisé de la guerre froide

Keith Kellogg propose une division de l’Ukraine en “zones de responsabilité” militaires, séparées par le fleuve Dniepr, qui traverse le pays du nord au sud. Ce fleuve, qualifié par lui d’“obstacle majeur”, jouerait le rôle de frontière naturelle entre les forces russes à l’Est, les troupes ukrainiennes au centre, et une force de maintien de la paix anglo-française à l’ouest. Les États-Unis d’Amérique, de leur côté, n’enverraient pas de troupes sur le terrain.

« Vous pourriez presque faire ressembler cela à ce qui s’est passé avec Berlin après la Seconde Guerre mondiale, quand vous aviez une zone russe, une zone française, une zone britannique, une zone américaine », a déclaré Kellogg, soulignant que la présence européenne ne serait « pas du tout provocatrice » aux yeux de Moscou.

Une zone démilitarisée en tampon

Pour limiter le risque d’escalade, l’émissaire états-unien propose également la création d’une zone démilitarisée (DMZ), sur le modèle de celle qui sépare les Corée du Nord et du Sud depuis 1953. Cette zone, large de 30 km (15 km de part et d’autre), aurait pour but d’empêcher tout échange de tirs entre les belligérants.

« Vous regardez une carte et vous créez une zone démilitarisée. Les deux camps reculent chacun de 15 kilomètres. Vous pouvez surveiller ça plutôt facilement », explique Kellogg, tout en reconnaissant que des violations sont inévitables.

Une interprétation controversée : Kellogg dément toute idée de partition

Suite à la publication de l’article, « The Times » a évoqué une “partition” de l’Ukraine comme une possible issue au conflit, ce qui a immédiatement suscité la polémique. Face aux réactions, Kellogg a tenu à clarifier ses propos sur le réseau « X » : « Je parlais d’une force de résilience post-cessez-le-feu, en soutien de la souveraineté de l’Ukraine. Je faisais référence à des zones de responsabilité pour une force alliée (sans troupes américaines). Je ne faisais PAS référence à une partition de l’Ukraine. »

Le général insiste sur le fait que son plan vise à préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et non à la fragmenter.

Des discussions diplomatiques en cours avec Moscou

Alors que les spéculations vont bon train, un autre acteur discret mais clé dans les négociations, Steve Witkoff, mène des discussions avec la Russie. Ce vendredi 11 avril, il s’est rendu à Saint-Pétersbourg pour une rencontre avec Vladimir Putin qui aurait duré plus de quatre heures, selon les agences russes. Aucune déclaration officielle n’a été faite sur le contenu exact de la réunion, mais le Kremlin a confirmé que l’Ukraine faisait partie des sujets abordés.

Vers une force européenne en Ukraine après la guerre ?

Depuis plusieurs mois, des pays comme la France et le Royaume-Uni ont exprimé leur volonté de participer à une force de maintien de la paix européenne en Ukraine, une fois le conflit terminé. Cette idée, si elle reste encore théorique, reflète une évolution de la position occidentale vers un engagement plus visible sur le terrain, au moins symboliquement.

Entre initiative diplomatique et flou stratégique

La proposition de Keith Kellogg marque une tentative originale de réfléchir à l’après-guerre en Ukraine. Toutefois, elle soulève de nombreuses interrogations : est-elle réaliste politiquement ? Peut-elle être acceptée par l’Ukraine, la Russie et leurs alliés respectifs ? Et surtout, peut-elle réellement aboutir sans être perçue comme une forme déguisée de partition du pays ?

Pour l’heure, aucun plan de paix concret n’a été validé. Mais ce type de discours montre que, dans l’ombre des combats, les grandes manœuvres diplomatiques se poursuivent.

Didier Maréchal

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