Plusieurs établissements pénitentiaires ont de nouveau été la cible d’attaques, avec des véhicules incendiés. Tôt ce mercredi 16 avril au matin, trois voitures appartenant à des membres du personnel pénitentiaire ont été brûlées devant la prison de Tarascon (Bouches-du-Rhône), suite à des attaques coordonnées sur plusieurs prisons en France, selon les déclarations du procureur de la République de la ville. Le parquet national antiterroriste étudie une piste menant à l’ultragauche tandis que le garde des Sceaux, Gerald Darmanin penche plus, aujourd’hui, pour une action des narcotrafiquants.
Aujourd’hui, mercredi 16 avril, de nouvelles attaques ont eu lieu contre des prisons, en France, pour la deuxième nuit consécutive. Les incendies ont eu lieu vers 5h20 sur un parking « isolé, réservé au personnel, sécurisé par un grillage et un digicode », a précisé le procureur de Tarascon, Laurent Gumbau. Aucune inscription n’a été retrouvée sur les lieux, a-t-il ajouté.
La veille, des véhicules avaient également été incendiés dans les établissements de Nanterre (Hauts-de-Seine), Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône) et Valence (Drôme). Par ailleurs, le centre pénitentiaire de Toulon a été la cible de tirs à l’arme automatique.
« De jeunes délinquants rémunérés quelques milliers d’euros »
« Selon les informations du ministère de l’Intérieur, il y a effectivement eu un incident à Tarascon où des voitures ont été incendiées ce matin, très tôt », a déclaré Gérald Darmanin, le garde des Sceaux, sur CNews, ajoutant qu’ « il n’y a pas eu de nouvelle nuit bleue comme celle d’hier, qui était totalement inacceptable ».
« Il est évident que certaines personnes tentent de déstabiliser l’État par l’intimidation, car nous prenons des mesures contre le laxisme qui a pu exister dans les prisons : blanchiment d’argent, communications téléphoniques, livraisons par drones, menaces envers les policiers et évasions comme celle de M. Amra, qui a fait assassiner des agents pénitentiaires », a poursuivi Gérald Darmanin. À travers ces attaques, c’est l’État qui est visé, et l’on cherche à voir s’il va céder.
Pour le ministre de la Justice, la création de prisons de haute sécurité, « un régime carcéral sans précédent », pourrait être à l’origine de ces actes de violence : « Nous mettons en place un régime carcéral inédit puisque nous créons des prisons de haute sécurité. » (qui, si dans la mesure où la France ressemble de plus en plus à un État dominé par le trafic de drogues, dont même le Mexique a appelé, fin 2024, l’État français à prendre des mesures car le pays est sur la voie de se trouver dans un situation similaire à ce pays d’Amérique latine, il est, en effet, nécessaire de durcir le ton et les actions, certaines mesures décidées par le ministre de la Justice française sont excessives, allant jusqu’à la violation des droits fondamentaux des détenus – ce qui ne peut être que contre productif).
Le sigle « DDPF » (Défense des droits des prisonniers français) a été découvert sur plusieurs des établissements ciblés par des attaques. Bien que cela « n’exclut rien » concernant les responsables de ces actes de violence, Gérald Darmanin y perçoit davantage, ce matin, contrairement à ce qu’il affirmait hier, 15 avril, une empreinte du narco-banditisme que celle de l’ultra-gauche : « lorsque des tirs à la Kalachnikov sont dirigés contre des centres pénitentiaires, ce sont souvent de jeunes délinquants rémunérés quelques milliers d’euros pour réaliser de telles actions, dans le but d’intimider l’État et de semer la peur parmi les agents. », déclare-t-il.
L’enquête sur les attaques de la nuit du 14 au 15 avril penchée sur l’ultragauche
En ce qui concerne la série d’attaques lancée depuis dimanche contre des établissements pénitentiaires à travers la France. Le ministère de la Justice envisage que ces actions, qui semblent orchestrées, soient en lien avec la politique pénitentiaire instaurée par Gérald Darmanin. Parallèlement, la possibilité d’attaques orchestrées par des groupuscules d’ultragauche est également sérieusement examinée. Le parquet national antiterroriste (PNAT) a donc pris en charge l’enquête.
Cette enquête a été confiée à la sous-direction antiterroriste de la Direction nationale de la Police judiciaire (DCPJ), ainsi qu’aux directions zonales de la police nationale concernées et à la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI). Selon un communiqué publié mardi soir par le PNAT, l’enquête a été ouverte pour « association de malfaiteurs terroristes en vue de préparer un ou plusieurs crimes visant le personnel pénitentiaire », « tentative d’assassinat en lien avec une entreprise terroriste sur une personne dépositaire de l’autorité publique », et « dégradation ou détérioration en bande organisée de biens d’autrui par des moyens liés à une entreprise terroriste ».
La majorité de ces attaques se sont manifestées par des véhicules incendiés sur les parkings des prisons. À Marseille (Bouches-du-Rhône) et Luynes-Aix (Bouches-du-Rhône), ainsi qu’à Nîmes (Gard), l’inscription « DDPF », signifiant « Droit des prisonniers français », a été retrouvée sur des véhicules endommagés. D’après le PNAT, les établissements pénitentiaires de Nîmes (Gard), Marseille (Bouches-du-Rhône), Toulon (Var), Luynes-Aix en Provence (Bouches-du-Rhône), Valence (Drôme), Villepinte (Seine-Saint-Denis), Agen (Lot-et-Garonne), Réau-Melun (Seine-et-Marne) et Nanterre (Hauts-de-Seine) ont été ciblés.
« On n’a pas l’habitude de voir ce genre d’actions coordonnées et avec un message qui a été bombé sur la porte de cette prison. Il y a des groupes sur les réseaux sociaux, « Telegram », « Signal », qui se sont créés et qui manifestement encouragent de faire ce genre de faits, a relevé le ministre de la justice, Gérald Darmanin, en fin d’après-midi, mardi, devant la prison de Toulon, visée par des tirs de kalachnikov. On ne sait pas très bien ce que ça signifie manifestement, il n’y a pas eu de revendication. »
Un canal « Telegram » énigmatique
Bien qu’aucune revendication n’ait été formulée, les services de renseignement ont mis au jour un canal « Telegram », dont le nom correspond aux inscriptions trouvées sur les véhicules endommagés. Ce canal, potentiellement associé à l’ultragauche, incite à attaquer des établissements pénitentiaires. « Les équipes de sécurité pénitentiaire (ELSP) de Luynes, vous allez tous mourir pour le mal que vous avez fait (…) sachez que notre mouvement s’étend dans toute la France. Tous les surveillants qui ont profité de leur pouvoir et qui ont contribué à faire basculer les conditions de détention en paieront les totales conséquences », peut-on lire.
Une vidéo, dont l’authenticité ne peut être garantie à l’heure où nous écrivons ces lignes, accompagne ce message : deux personnes y sont filmées en train de verser de l’essence sur un mur et d’y taguer DDPF. « Des surveillants qui abusent de leur pouvoir », est-il indiqué sous une autre vidéo, localisée par son auteur à Nîmes, montrant un individu mettant le feu à une voiture.
Ce canal « Telegram », illustré par une image du ministre de la Justice derrière des barreaux, se présente comme « un mouvement visant à dénoncer les atteintes à nos droits fondamentaux que le ministre Gérald Darmanin envisage de porter atteinte ». « Tous les détenus de France doivent se rassembler et se réveiller. La situation est grave : nous entrons dans une période dangereuse et préoccupante pour l’avenir de la population carcérale », écrit l’auteur de ce message, qui semble être un détenu ou un ancien détenu.
« Nous sommes avant tout des êtres humains »
L’auteur, toujours en ligne, évoque ainsi les conditions de détentions et les droits des prisonniers « qui auraient pu être un automatisme », mais qui ont « nécessité un combat pour faire comprendre qu’avant d’être des prisonniers, nous sommes avant tout des humains. » Les enquêteurs cherchent à identifier le ou les auteurs de ces publications qui revendiquent notamment : « Nous avons de très gros investisseurs derrière la DDPF. ». Mais la piste du milieu des narcotrafiquants n’est pas pour autant exclue. Les auteurs de ces textes utilisent parfois des codes et expressions habituellement employés par certains traficants qui vendent leur marchandise via « Telegram ».
Selon les messages postés dans ce canal, la réforme pénitentiaire de Gérald Darmanin va «dérégler le processus de réinsertion des détenus». L’organisation dénonce aussi « les surveillants qui nous frappent, qui violent certains détenus, qui exercent des pressions physiques et psychologiques » et assure : « La plupart des suicides en prison sont dus à l’agressivité de l’administration pénitentiaire et à sa déontologie. »
« Combien sont morts après avoir fait plusieurs mises en demeure sans que la direction ne les prenne en compte ? assène l’auteur. Combien sont frappés dans des salles isolées, hors de portée des caméras ? Combien de fois l’abus de pouvoir a-t-il été utilisé pour cacher les circonstances de nombreuses violences sur les détenus ? »
« La DDPF se déploiera dans toute la France »
Dans un autre message posté sur ce canal « Telegram », un individu s’esclaffe : « Les très chers travailleurs de comicos (commissariats), de taules et de tribunaux rentrent bien chez eux à un moment, garent bien leurs bagnoles quelque part, et ils font tout de suite moins les malins. »
Une autre publication prévient aussi : « Nous sommes là pour faire valoir nos droits, la DDPF se déploiera dans toute la France pour mettre en lumière notre cause et notre combat. » Reste à savoir si ces messages ont effectivement trouvé des individus déterminés à passer à l’action.
Selon plusieurs sources, la tension a récemment augmenté parmi les détenus classés comme étant de haut du spectre, une situation que les forces de l’ordre ont pu constater grâce à des écoutes téléphoniques. Une centaine de ces détenus sera prochainement soumise à une évaluation en vue de leur transfert vers les prisons de haute sécurité de Condé-sur-Sarthe (Orne) et Vendin-le-Vieil (Nord). Comme l’a indiqué Gérald Darmanin ce mardi, ces deux établissements spécialisés ont également reçu des menaces récentes.
Il est certain que les enquêteurs estiment, en raison du mode opératoire et de la coordination des actions, que les auteurs visent à instaurer la terreur ou à intimider. Une idéologie particulière est-elle suspectée d’être à l’origine de cette série d’attaques ? Que ce soit l’ultragauche ou le narco-banditisme, la justice antiterroriste considère en tout cas que la méthode employée par les suspects s’apparente au terrorisme.
Didier Maréchal & Christian Estevez