Face à la crise chronique de surpopulation carcérale, le ministre de l’Intérieur et de la Justice, Gérald Darmanin, s’inspire du modèle allemand pour proposer une solution inédite en France : les prisons modulaires. Une initiative visant à offrir des structures rapides à construire, sécurisées et moins coûteuses.
Une urgence carcérale en France
Aujourd’hui, les prisons françaises comptent plus de 82 000 détenus pour seulement 62 000 places disponibles. Cette surpopulation entraîne des conditions de détention indignes : plus de 5 000 prisonniers dorment à même le sol. Une situation que le ministre souhaite rapidement corriger, notamment en diversifiant les modèles de détention pour les profils les moins dangereux.
Un modèle allemand qui inspire
En mai 2025, Gérald Darmanin s’est rendu à Meppen, en Basse-Saxe, pour visiter un complexe pénitentiaire modulaire innovant. Ce projet pilote, lancé en 2021, a été conçu pour répondre à des besoins urgents : il n’a fallu que 10 mois pour passer de la planification à l’accueil des premiers détenus, et 3 jours seulement pour assembler les unités préfabriquées.
Les cellules, fabriquées en béton armé, sont aménagées dans un style sobre et scandinave, avec du mobilier en bois clair. Malgré cette apparente simplicité, la sécurité y est maximale, avec barbelés, portes à verrouillage électromagnétique et surveillance renforcée.
« Ce projet est vraiment un projet phare, sans équivalent en Allemagne », a salué Kathrin Wahlmann, ministre de la Justice du Land.
Le centre accueille aujourd’hui une quarantaine de détenus : personnes handicapées, fragiles psychologiquement ou délinquants sexuels, pour des peines allant jusqu’à 15 ans. Ils sont encadrés par 21 surveillants.
Un projet bientôt appliqué en France
Séduit, Gérald Darmanin a annoncé la construction prochaine de structures modulaires françaises, d’abord destinées aux détenus en semi-liberté ou condamnés à de courtes peines, comme les délits routiers.
Le plan prévoit la création de 3 000 places, construites en 18 mois. Une première unité de 50 places verra le jour à Troyes, dans l’Aube, avec une livraison prévue à l’automne 2026.
Le ministre justifie ce choix par un impératif de rapidité, d’efficacité et d’économie : le coût par détenu serait de 200 000 euros, soit deux fois moins qu’en prison classique (estimée à 400 000 euros). Une affirmation contestée, car la prison de Meppen aurait coûté environ 5 millions d’euros, soit un tiers de plus qu’un établissement pénitentiaire conventionnel selon les autorités allemandes.
Un modèle adapté aux peines légères
L’administration pénitentiaire estime qu’environ un tiers des détenus pourraient vivre sous un régime carcéral plus souple, notamment les fins de peine, ou ceux condamnés pour des infractions mineures.
Ces établissements modulaires offriraient donc une solution transitoire entre l’incarcération classique et la réinsertion. En libérant de l’espace dans les prisons traditionnelles, ils permettraient également de mieux gérer les profils dangereux dans des conditions plus adaptées.
Une vision plus flexible de l’incarcération
Cette réforme marque un changement de paradigme dans la politique carcérale française. Elle ne vise pas seulement à construire plus vite, mais aussi à adapter le régime de détention au profil du détenu, tout en préservant la sécurité et la dignité.
Gérald Darmanin veut aller vite. Le projet pourrait être étendu à d’autres villes si les premiers résultats sont concluants. Reste à convaincre les opposants au modèle modulaire, qui pointent du doigt les limites de durabilité, de sécurité à long terme et l’esthétique contestée des préfabriqués.
Mais pour le ministre, l’essentiel est clair : agir vite, efficacement et à moindre coût face à une situation d’urgence qui, selon lui, ne peut plus attendre.