Droit d’asile en Europe : alliance inédite entre sociaux-démocrates danois et droite nationaliste italienne contre la CEDH

Dans un geste politique surprenant, le Danemark et l’Italie, pourtant aux antipodes idéologiques, unissent leurs forces pour restreindre davantage le droit d’asile en Europe. Les sociaux-démocrates au pouvoir à Copenhague et l’extrême droite à Rome travaillent ensemble à l’élaboration d’un courrier commun adressé à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), contestant ce qu’ils considèrent comme une interprétation trop extensive de la Convention européenne des droits de l’homme, qui limiterait leur souveraineté en matière de politique migratoire.

Une alliance politique inattendue

Cette initiative marque un tournant inédit dans les dynamiques européennes. Le Danemark, gouverné par un parti traditionnellement progressiste, et l’Italie, dirigée par une coalition menée par Giorgia Meloni, trouvent un terrain d’entente autour d’un objectif commun : resserrer l’accès à la protection internationale.

Les deux pays estiment que les décisions de la CEDH en matière d’asile les empêchent de prendre des mesures politiques “souveraines” pour maîtriser les flux migratoires. Ils reprochent à la Cour d’imposer une lecture des droits fondamentaux qui, selon eux, empêche la mise en œuvre de politiques plus restrictives.

Politique migratoire : offensive coordonnée

Derrière cette démarche juridique, c’est un projet plus large de durcissement de la politique migratoire européenne qui se dessine. Le Danemark milite depuis deux ans pour que l’Union européenne légalise le transfert des demandes d’asile vers des pays tiers hors d’Europe, reprenant le modèle australien. Après l’échec de son projet de centre d’accueil au Rwanda, le gouvernement danois espère faire évoluer le cadre juridique européen.

De son côté, l’Italie mène un bras de fer judiciaire autour de sa décision de transférer des migrants dans des centres de rétention en Albanie, mesure qui fait l’objet de vives critiques et de recours devant la justice européenne.

Une dynamique qui gagne du terrain

Derrière Copenhague et Rome, plusieurs autres pays pourraient se rallier à cette initiative. La République tchèque, la Finlande, la Pologne et les Pays-Bas seraient en discussion pour co-signer ou soutenir le courrier adressé à la CEDH, formant ainsi un bloc politique transpartisan autour d’une vision sécuritaire et externalisée de l’asile.

Cette mobilisation reflète un changement profond dans les équilibres européens : la montée en puissance d’une vision utilitariste des droits fondamentaux, où la sécurité et le contrôle migratoire priment sur les garanties humanitaires. Elle illustre aussi une stratégie commune pour contourner ou affaiblir les mécanismes de contrôle juridique instaurés après la Seconde Guerre mondiale pour protéger les droits humains en Europe.

Une remise en cause de l’État de droit ?

Ce rapprochement, aussi stratégique qu’idéologique, suscite l’inquiétude des défenseurs des droits de l’homme. De nombreuses ONG, juristes et responsables politiques dénoncent une tentative de fragiliser la CEDH et, par extension, l’État de droit européen, sous couvert de répondre à une pression migratoire.

Pour ses détracteurs, cette démarche risque d’ouvrir la voie à une normalisation des pratiques d’externalisation et de refoulement, en contradiction avec les principes fondamentaux du droit d’asile.

À l’heure où l’Europe redéfinit son pacte migratoire, l’initiative danoise et italienne pourrait bien redessiner les lignes de fracture entre les tenants d’une Europe des droits et ceux d’une Europe des frontières.

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