Uruguay : décès de José Mujica, le guérillero-président

L’ex-président uruguayen, connu pour son style de vie modeste et ses politiques « progressistes », José Mujica, est décédé à 89 ans.

L’ancien président uruguayen José Mujica(2010/2015) est décédé mardi 13 mai à l’âge de 89 ans. Iconoclaste, ancien guérillero converti à la chapelle socio-démocratique, qui s’affranchissant des codes des écuries politiciennes, était devenu un maître à penser de la gauche bien au-delà de l’Amérique latine.

C’est sur  » X » que l’annonce du décès de José Mujica a été faite par l’actuel président uruguayen, Yamandu Orsi: »C’est avec une profonde douleur que nous annonçons que notre camarade Pepe Mujica est décédé. Président, militant, référent et guide. Tu vas beaucoup nous manquer, cher vieux », a-t-il écrit.

En début d’année, celui qu’on avait surnommé  » le président le plus pauvre du monde », avait révélé que son cancer de l’oesophage diagnostiqué en mai 2024 s’était propagé et que son corps vieillissant, ne supportait plus les médicaments. » Mon cycle est terminé » avait-il déclaré, ajoutant, » clairement je suis en train de mourir. Le guerrier a droit à son repos ».

«  Pepe », pour José Alberto Mujica Cordano

Une manière familière de désigner le président d’une République, fût-elle modeste ( 176.000 km2) pour quelques trois millions et demi d’habitants. Aux yeux des uruguayens, il était « Pépé » et même pour les médias nationaux et étrangers qui ont accouru lui rendre visite dans sa petite ferme, sa « Chacra de Rincon del Cerro », aux environs de Montevideo( la capitale), pour les artistes que sa vie mouvementée, sa réputation de probité et sa fidélité à ses engagements politiques inspiraient tant. En janvier encore, des musiciens espagnols et de l’Amérique latine dans un collectif ont lancé sur les réseaux sociaux  » Una cancion y unas palabras para Pepe » lui dédiant certaines de leurs chansons

Des honneurs il en a eu aussi du septième art. Le réalisateur serbe Emir Kusturica a filmé trois années durant à ses côtés pour des besoins du documentaire  » El Pepe, una vida suprema », diffusé sur Netflix. Un autre film de fiction cette fois, du réalisateur uruguayen Alvaro Brechner,  » Una large noche de 12 años », inspirée des années de captivité de Pepe Mujica pendant la dictature militaire en Uruguay(1973-1985). Le film fut d’ailleurs présenté au festival de Venise en 2018, même si Pepe n’assistera pas à la projection.

« Cadeau d’adieu »

Érigé en figure de proue du Frente amplio, la coalition qui a mené la gauche pour la première fois au pouvoir en 2005 avec Tabaré Vasquez( 2005/2010 et 2015/2020), il a mené la campagne présidentielle victorieuse de Yamadu Orsi en novembre 2024.

Dans une interview avec l’AFP, après la victoire de son héritier politique, il avait confié  » il y a quelque chose de doux, un peu comme un cadeau d’adieu ». José Mujica »a cru milité et vécu » pour un monde meilleur, a réagi sur « X » le premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, à l’annonce de sa disparition.

En Colombie, le président de gauche Gustave Petro, lui-même ancien guérilléro, a salué un » grand révolutionnaire ». Au Brésil, le ministère des Affaires étrangères a rendu hommage à « l’un des principaux architectes de l’intégration de l’Amérique du Sud et de l’Amérique latine et, surtout, l’un des humanistes les plus importants de notre époque »

En France, Jean Luc Mélenchon , chef de file de la France Insoumise a écrit  » merci pour tout le courage que tu nous as donné(…) Adieu Pépé. Tu marches avec la lumière de notre combat ».

Popularité inédite

José Mujica a atteint une popularité pour un dirigeant d’un petit pays coincé entre les géants brésilien et argentin. Dans un style débridé et formelle, il s’est permis d’assister en sandales à des évènements officiels pendant sa présidence. Son discours à Rio en 2012, contre le « consumérisme » lors de la Conférence des Nations unies sur le développement durable, reste, encore retentissant.

À la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, un an plus tard, il appelait à  » l’amour, la solidarité, la famille, l’amitié », dénonçant avec outrance le pillage des ressources de la Terre .

« Pepe », revendiquait ses racines paysannes et était resté dans sa modeste ferme qu’il a refusé d’abandonner durant sa présidence. Son verbe spontané sans langue de bois et souvent polémique ne lui ont pas seulement attiré des amis.

Des mesures progressistes

Membre fondateur de la guérilla urbaine d’extrême-gauche du Mouvement de libération nationale Tupamaros(MLN), active en Uruguay jusqu’en 1972, il a été emprisonné après avoir été blessé par balles en 1970, toute la durée de la dictature. Placé en isolement, il fut torturé. Il se lance en politique après sa libération en 1985 et création du Mouvement de Participation Populaire (MPP) en 1989, un pilier du Frente Amplio, qu’il a dirigé jusqu’à son décès.

L’ancien guérilléro a durant son mandat présidentiel bousculé les conventions, promouvant des mesures progressistes pour l’Amérique latine, comme la légalisation du cannabis, l’avortement …etc

Sa dernière apparition publique et son dernier acte politique resteront, sa présence le 1er mars à l’investiture du nouveau président de l’Uruguay Yamandu Orsi, assis à côté des anciens présidents Luis Alberto La calle Herrera( 1990/1995), père du président sortant, et Julio Sanguinetti(1985-1990). Le vieux lion avait tiré le rideau un peu plus tôt, en janvier  » je veux mourir en paix », plus de visites, plus d’interviews », avait alors déclaré Pepe Mujica, dans un adieu à ses concitoyens.

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