Alors que la situation humanitaire à Gaza demeure critique, les Nations unies ont fermement décliné leur participation à une nouvelle initiative d’aide humanitaire lancée par une fondation récemment créée et soutenue par les États-Unis, avec le plein appui d’Israël. Ce plan, censé contourner le Hamas et garantir la sécurité des distributions alimentaires, soulève de nombreuses inquiétudes quant à sa légitimité, sa transparence et son respect des principes humanitaires fondamentaux.
Une initiative controversée
Vendredi dernier, les États-Unis ont annoncé la mise en place d’un nouveau mécanisme d’aide à Gaza, présenté comme une alternative aux canaux traditionnels soupçonnés, selon Washington et Tel-Aviv, d’être infiltrés par le Hamas. C’est l’ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee, qui a détaillé les grandes lignes du projet : une distribution alimentaire massive, protégée par l’armée israélienne, mais opérée sur le terrain par des prestataires privés.
Ce dispositif, censé assurer la sécurité des civils et empêcher la captation de l’aide par le Hamas, prévoit la distribution de 300 millions de repas sur une période de 90 jours, à partir de la fin mai. La gestion de cette opération est confiée à la Fondation Humanitaire de Gaza (GHF), une organisation inconnue jusqu’alors, enregistrée à Genève depuis février. Les États-Unis soutiennent cette initiative, sans confirmer une participation financière directe.
Le refus catégorique de l’ONU
Interrogée sur ce nouveau plan, l’Organisation des Nations unies a opposé une fin de non-recevoir. « Ce plan ne respecte pas nos principes fondamentaux d’impartialité, de neutralité et d’indépendance », a déclaré Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU. Il a ajouté que l’organisation « ne participera pas » à cette opération, dénonçant un projet monté en dehors des standards internationaux de l’aide humanitaire.
Depuis plusieurs semaines, l’ONU réclame la réouverture des points de passage vers Gaza pour permettre l’entrée de son aide humanitaire, actuellement bloquée par les autorités israéliennes. Farhan Haq rappelle que des centaines de camions, contenant plus de 170 000 tonnes de nourriture, attendent à la frontière. « L’ONU a un plan, prêt à être mis en œuvre dès que les conditions seront réunies », a-t-il insisté.
Marginalisation de l’Unrwa
Le rôle écarté de l’Unrwa, l’agence onusienne chargée des réfugiés palestiniens, cristallise également les tensions. Accusée par Israël et les États-Unis de collusion avec le Hamas, l’Unrwa reste pourtant, selon de nombreuses ONG, la seule structure dotée du réseau logistique et de la confiance locale nécessaire à une distribution efficace. Son exclusion du plan américain est perçue comme un choix politique mettant en péril l’efficacité de l’aide.
Soutien israélien au plan américain
Israël a rapidement apporté son soutien total au projet. « Israël soutient pleinement le plan de l’administration Trump présenté vendredi », a affirmé le chef de la diplomatie israélienne, Gideon Saar. Selon lui, cette initiative permettrait d’acheminer l’aide « directement au peuple de Gaza » tout en empêchant le Hamas d’en bénéficier. Il a précisé que l’armée israélienne ne participerait pas à la distribution de l’aide, mais assurerait la sécurité du périmètre.
Une situation humanitaire dramatique
Depuis le 2 mars, Israël bloque l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza, où vivent 2,4 millions de personnes. La majorité de la population est déplacée, souvent à plusieurs reprises, après plus de 19 mois de guerre. Les ONG alertent sur une pénurie massive de nourriture, de médicaments et de carburant. Des organisations comme Médecins sans frontières, Médecins du Monde ou Oxfam parlent désormais d’un risque imminent de « famine de masse ».
Inquiétudes juridiques et humanitaires
Plusieurs ONG, dont Amnesty International, ont exprimé leur inquiétude concernant le recours à des sociétés militaires privées pour sécuriser les distributions. Elles estiment que cela pourrait violer le droit international humanitaire si ces acteurs ne sont pas rigoureusement encadrés. La question de la supervision, de la traçabilité de l’aide et de la transparence des opérations reste en suspens.
Un rapport détaillé sur la situation alimentaire à Gaza, basé sur l’index de classification des phases de famine, est attendu ce lundi. Il pourrait peser lourd dans les discussions internationales sur l’aide à la population gazaouie.