Le ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu a annoncé l’interdiction du jeu d’échecs sur l’ensemble du territoire afghan. Cette décision, relayée par plusieurs médias nationaux et confirmée par des publications officielles, repose sur une interprétation religieuse selon laquelle ce jeu serait assimilé à une forme de pari, proscrit dans l’islam tel que compris par les autorités en place.
Déjà restreinte dans les faits depuis la prise de pouvoir des taliban en août 2021, la pratique des échecs est désormais formellement prohibée dans les lieux publics, clubs et écoles.
Le retour au pouvoir des taliban, après le retrait des forces états-uniennes et de leurs alliés, a entraîné une réorganisation profonde du cadre social, culturel et juridique en Afghanistan. Depuis trois ans, les autorités ont progressivement défini un système conforme à leur lecture des principes islamiques, avec pour priorité la moralisation de la vie publique.
Cette orientation s’est traduite par des mesures touchant divers domaines : limitation de l’accès des femmes à certains espaces éducatifs ou professionnels, encadrement renforcé des activités artistiques, et contrôle accru des pratiques culturelles jugées contraires à l’éthique islamique.
L’interdiction des échecs, bien que symboliquement marquante, s’inscrit dans cette logique de redéfinition de l’espace social, où l’objectif affiché est la promotion d’un mode de vie jugé plus conforme à l’identité religieuse et nationale du pays.
Le jeu d’échecs possède une longue histoire en terres musulmanes. D’origine indienne, il a été largement diffusé dans le monde arabo-musulman dès le Moyen Âge, où il a trouvé une place dans les cours califales et les traditions savantes.
Dans l’Afghanistan contemporain, il était notamment pratiqué dans certaines écoles, au sein de clubs urbains, et dans les foyers, en tant que jeu de réflexion et d’adresse. La mesure d’interdiction vient donc mettre un terme à une pratique ancienne, bien qu’elle ait connu un recul depuis 2021, en raison d’une surveillance croissante.
Sur le plan intérieur, les réactions restent limitées. Les conditions politiques et sécuritaires ne permettent pas l’expression publique d’un débat ouvert. Certains y voient une continuité logique dans l’approche du gouvernement ; d’autres, notamment parmi la jeunesse urbaine et les milieux intellectuels, s’inquiètent d’une réduction progressive des espaces d’expression non religieux ou ludiques.
La population afghane, confrontée à une crise économique persistante et à un isolement diplomatique relatif, adapte son quotidien à ces transformations. Les priorités demeurent souvent liées à la subsistance, à la sécurité et à l’éducation des secteurs également affectés par les orientations actuelles du pouvoir.
Sur le plan extérieur, cette mesure suscite peu de réactions officielles. Les principales préoccupations exprimées par les acteurs internationaux qu’il s’agisse des Nations unies, de l’Union européenne ou d’ONG portent davantage sur la situation humanitaire, les droits fondamentaux et la sécurité régionale.
L’Afghanistan reste un pays clef pour l’équilibre de l’Asie centrale. Sa stabilité politique et sociale, ses relations avec les puissances voisines (Chine, Iran, Pakistan), et son statut de carrefour géographique, expliquent l’attention stratégique dont il fait l’objet, au-delà des considérations culturelles.
L’interdiction des échecs ne constitue pas un tournant isolé, mais un indicateur parmi d’autres de la transformation en cours du modèle sociétal afghan. Dans un contexte où les références culturelles, les normes éducatives et les pratiques quotidiennes sont redéfinies, ce type de mesure offre un éclairage sur les priorités politiques du régime actuel.
Pour les observateurs extérieurs, il s’agit de suivre ces évolutions avec rigueur, sans simplification, en tenant compte des dynamiques internes du pays, de ses héritages culturels, et des équilibres complexes de la région.
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