Un réalignement stratégique majeur s’esquisse sur l’échiquier militaire mondial. L’Australie et le Canada, deux alliés historiques des États-Unis, envisagent de s’allier au Royaume-Uni dans le cadre du Global Combat Air Programme (GCAP), un projet de développement d’avions de combat de sixième génération. Ce virage marque une volonté croissante d’autonomie stratégique face à la domination technologique américaine.
L’Australie explore une nouvelle voie
L’Australie a récemment manifesté un intérêt accru pour le GCAP, lors du salon aéronautique Avalon 2025, près de Melbourne. Une session d’information dédiée au programme y a été organisée, comme l’a confirmé un haut responsable des capacités de la Royal Australian Air Force (RAAF).
Le GCAP est un partenariat stratégique entre le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon, visant à concevoir un avion de combat ultra-moderne, connu sous le nom de Tempest au Royaume-Uni. Cet appareil, prévu pour 2035, devrait intégrer une technologie avancée : cockpit en réalité augmentée, intelligence artificielle embarquée, drones « Loyal Wingmen », armes à énergie dirigée et connectivité numérique de pointe.
L’Australie envisage une commande de 350 appareils, marquant un tournant historique : ce serait la première fois qu’elle s’engage dans un programme de cette envergure sans faire appel à l’industrie aéronautique américaine.
Le Canada également en réflexion
Le Canada, quant à lui, réévalue actuellement sa commande de 88 avions de chasse F-35 auprès des États-Unis. Le gouvernement d’Ottawa examine des alternatives européennes, dont le Rafale français et le Gripen suédois. L’entrée dans le GCAP est désormais envisagée comme une option stratégique.
David Chadwick, député britannique libéral-démocrate, a même suggéré que le Canada serait un partenaire naturel du programme, en raison de ses liens historiques avec le Royaume-Uni et de son besoin croissant d’indépendance stratégique.
Des tensions avec Washington en toile de fond
Ce réalignement s’inscrit dans un contexte de crispation entre certains alliés et les États-Unis. Sous l’administration Trump, la politique « America First » avait introduit des tarifs douaniers punitifs et remis en question le soutien automatique aux alliés, particulièrement ceux qui ne participent pas à hauteur aux dépenses de l’OTAN.
Ces décisions ont poussé plusieurs pays, dont l’Australie et le Canada, à repenser leur dépendance envers l’industrie militaire américaine. Même si Washington continue de dominer avec des programmes comme le Next Generation Air Dominance (NGAD) de Boeing, certains partenaires cherchent désormais plus de flexibilité et d’équilibre dans leurs alliances.
Vers une redéfinition des équilibres mondiaux
L’ouverture du GCAP à des pays comme l’Australie et potentiellement le Canada pourrait profondément remodeler le paysage de la défense mondiale. Au-delà d’un simple partenariat technologique, il s’agit d’un message politique fort : les pays du Commonwealth cherchent à bâtir une alternative crédible face à l’hégémonie américaine dans le domaine de la défense aérienne.
Ce nouveau pacte militaire, inattendu mais stratégiquement réfléchi, pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère : celle d’une défense plus multipolaire, où la souveraineté technologique et les intérêts régionaux reprennent le dessus sur les alliances traditionnelles.