Le Conseil constitutionnel a censuré une poignée d’articles de la loi visant « à sortir la France du piège du narcotrafic » portée par Bruno Retailleau et Gérald Darmanin. Mais il a validé, à une réserve près, un de ses mesures phares, le régime carcéral d’isolement prévu pour les narcotrafiquants les plus dangereux, dans une décision rendue jeudi 12 juin.
Un examen partiellement réussi. Le Conseil constitutionnel a validé, ce jeudi 12 juin 2025, l’essentiel de la loi visant « à sortir la France du piège du narcotrafic », adoptée définitivement par le Parlement fin avril. S’ils ne l’ont pas censuré, les Sages ont toutefois émis une réserve sur le régime carcéral d’isolement prévu pour les narcotrafiquants les plus dangereux.
Issue d’une commission d’enquête sénatoriale transpartisane, les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et sur la proposition de loi organique créant le parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), avaient été adoptées à l’unanimité de la chambre haute, fin avril.
Restait une ultime étape avant la promulgation, la décision du Conseil constitutionnel, saisi par les députés LFi, écologistes et socialistes, qui estimaient que de nombreux articles de cette loi faisaient « peser de graves menaces » sur l’État de droit.
Ils lui demandaient en particulier de censurer l’article portant la création, devenue emblématique, de quartiers de haute sécurité dans les prisons pour les trafiquants les plus dangereux. À partir du 31 juillet, une centaine de narcotrafiquants dangereux déjà détenus seront incarcérés à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) sous un régime d’isolement strict, pour un an renouvelable. 600 à 700 autres détenus très dangereux seront également transférés à Vendin ou Condé-sur-Sarthe (Orne) dans les prochains mois.
La loi prévoit qu’ils y soient affectés sur décision du garde des Sceaux, sous certaines conditions. Le régime carcéral qui y est assorti prévoit entre autres des fouilles intégrales encadrées en cas de contacts sans surveillance d’un agent. Les Sages ont déclaré cet article conforme à la Constitution, tout en émettant une réserve sur la question des fouilles intégrales. Celles-ci ne doivent être réalisées que lorsque la surveillance par un agent pénitentiaire « a été empêchée par des circonstances particulières tenant à l’intimité de la personne détenue, à la nécessité de préserver la confidentialité de ses échanges ou à des difficultés exceptionnelles d’organisation du service pénitentiaire », a souligné le Conseil
6 articles sont censurés totalement ou partiellement, notamment l’article sur le procès-verbal distinct, le fameux « dossier coffre », au nom du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire. Il s’agissait d’un procès-verbal distinct, lors des enquêtes, pour ne pas divulguer certaines informations aux trafiquants et à leurs avocats.
Le Conseil a aussi censuré, « faute d’encadrement de fond suffisant, sur le fondement du droit au respect de la vie privée, l’article 15, qui étendait la possibilité dont disposent certains services de renseignement de recourir à des traitements automatisés de nature algorithmique ». Une technique autorisée dans la lutte contre le terrorisme permet un examen de données « de masse » prélevées sur l’ensemble de la population, pour les besoins de la lutte contre le terrorisme.
Autre disposition marquante censurée partiellement, le recours exclusif à la visioconférence pour la comparution des personnes placées en quartier de lutte contre la criminalité organisée et des personnes, là encore en raison d’une atteinte excessive au droit de la défense.
Sur l’activation à distance d’un appareil électronique pour procéder à des écoutes, le Conseil a jugé que les dispositions de l’article poursuivaient « les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et de prévention des atteintes à l’ordre public » et étaient « entourées de garanties suffisantes pour ne pas porter d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ». Mais les Sages ont ajouté une réserve, estimant que ces dispositions n’étaient applicables qu’aux délits « commis en bande organisée et punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans ».
Grande avancée pour la sécurité des Français ! Le Conseil constitutionnel valide en grande partie les dispositions relatives à la justice de la loi narcotrafic. Parquet national anti-criminalité organisée, régime carcéral très strict pour les narcotrafiquants, procédures anonymes pour les agents pénitentiaires… des mesures concrètes pour la sécurité des Français et contre ceux qui bafouent la République », s’est félicité le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, sur « X ».