France – soupçons de détournement de fonds publics : une lanceuse d’alerte relance la justice contre Édouard Philippe

L’ancien Premier ministre Édouard Philippe est de nouveau dans le viseur de la justice. Une lanceuse d’alerte, ancienne haute fonctionnaire de la communauté urbaine du Havre, a déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile auprès du tribunal judiciaire de Paris. L’objectif : pousser à la désignation d’un juge d’instruction pour enquêter sur des accusations de détournement de fonds publics, favoritisme, prise illégale d’intérêts, harcèlement moral et concussion. L’information a été révélée ce lundi 23 juin par l’avocat de la plaignante, Me Jérôme Karsenti, à l’AFP, France Inter et Le Monde.

Une affaire sensible et à fort retentissement politique

La plainte vise Édouard Philippe, maire du Havre et figure de proue du mouvement Horizons, qu’il a fondé en 2021. Sont également cités Stéphanie de Bazelaire, adjointe en charge du numérique, et Claire-Sophie Tasias, directrice générale des services de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole.

La plaignante, prénommée Judith (nom d’emprunt), avait déjà porté plainte en septembre 2023. Une première enquête avait été ouverte par le Parquet national financier (PNF), avec des perquisitions menées au printemps 2024. Mais face à l’absence de suites concrètes, la lanceuse d’alerte a choisi de renforcer sa démarche en saisissant directement un juge d’instruction, une procédure plus contraignante pour la justice.

« J’ai l’impression que l’affaire n’avance pas. Je continue à subir les conséquences de mon alerte alors que je n’ai fait que mon devoir », a-t-elle confié.

Un contrat controversé au cœur des soupçons

L’affaire repose notamment sur une convention pluriannuelle d’objectifs signée en juillet 2020 entre la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, présidée alors par Édouard Philippe, et l’association LH French Tech, dirigée à titre bénévole par Stéphanie de Bazelaire.

Cette association, créée seulement quelques mois plus tôt, en juillet 2020, avait été la seule candidate retenue dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt pour l’animation de la Cité numérique du Havre, une mission dotée de 2,154 millions d’euros au titre d’un service d’intérêt économique général (SIEG).

Judith, alors directrice générale adjointe, évoque un conflit d’intérêts manifeste. Selon elle, cette désignation exclusive, combinée à l’absence de mise en concurrence réelle, constitue une entorse grave aux règles de la commande publique. L’association LH French Tech a été liquidée en 2023.

Édouard Philippe dénonce une « vendetta »

Réagissant auprès de l’AFP, Édouard Philippe a fermement rejeté les accusations, dénonçant une instrumentalisation de la justice à des fins personnelles :

« La plaignante poursuit sa triste vendetta, qui n’a rien à voir avec le cri d’une lanceuse d’alerte mais tout à voir avec l’insatisfaction d’une haute fonctionnaire dont le contrat n’a pas été renouvelé », a-t-il affirmé.

De son côté, Me Karsenti pointe une certaine inertie du PNF, qu’il relie aux ambitions présidentielles supposées de l’ancien Premier ministre :

« Nous ne savons absolument pas dans quelle direction va s’orienter l’enquête. Je redoute une forme de tétanie face à un futur probable candidat à l’élection présidentielle. »

Une enquête toujours en cours

Selon une source judiciaire, les investigations sont toujours en cours, notamment l’analyse des documents saisis lors des perquisitions. Le statut de lanceuse d’alerte attribué à Judith est contesté par Édouard Philippe, mais lui permet aujourd’hui de demander l’ouverture formelle d’une instruction.

Cette affaire, à la croisée du droit administratif, de l’éthique publique et de la politique, pourrait peser sur la trajectoire d’un homme que beaucoup voient déjà se préparer pour l’élection présidentielle de 2027.

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