Le dossier Mahdieh Esfandiari est devenu l’un des points les plus sensibles des relations entre Paris et Téhéran. Cette Iranienne de 39 ans, traductrice et militante propalestinienne, est détenue depuis février 2025 à la prison de Fresnes pour « apologie publique en ligne du terrorisme » et « provocation au terrorisme », ainsi que pour avoir refusé de livrer les codes de déverrouillage de ses comptes sur X et Telegram. Son cas pourrait constituer l’élément central d’un possible échange de prisonniers entre la France et l’Iran.
Une arrestation très médiatisée
Installée à Lyon depuis 2018 et diplômée en sciences du langage à l’université Lyon-II, Mahdieh Esfandiari avait été signalée au Pôle national de lutte contre la haine en ligne en 2023 par le ministère de l’Intérieur. Les autorités lui reprochent la gestion d’une chaîne Telegram incitant à la violence, glorifiant les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, appelant à « sortir avec des fusils, ou à défaut, des couteaux et des hachoirs » et encourageant à saboter un pétrolier militaire américain stationné à Marseille.
Elle a été interpellée à Lyon le 28 février 2025, alors qu’elle s’apprêtait, selon plusieurs médias, à quitter le territoire français. Elle a ensuite été placée en détention provisoire avec un autre militant de nationalité française le 2 mars.
Les demandes de Téhéran
L’Iran a rapidement pris fait et cause pour Mahdieh Esfandiari. Le 7 avril, le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baghaï, demandait publiquement à la France d’accorder l’accès au dossier et de clarifier les motifs de l’arrestation. Depuis, Téhéran multiplie les pressions pour obtenir sa libération. Sa détention a été prolongée en juin 2025 par la juge d’instruction, en raison d’un risque de fuite vers l’Iran et de concertation avec d’autres mis en examen.
Les réseaux d’influence pro-iraniens mobilisés
L’affaire Esfandiari est désormais reprise comme un symbole par les cercles d’influence pro-iraniens en France. Bashir Biazar, ressortissant iranien expulsé en juillet 2024 et soupçonné d’être un agent d’influence, a comparé la détention de l’Iranienne à une prise d’otage, estimant que si la situation était inversée, Paris ferait tout pour rapatrier un citoyen français.
Shahin Hazami, militant franco-iranien se présentant comme « journaliste indépendant », relaie régulièrement sur les réseaux sociaux des messages appelant à sa libération, reprenant souvent la rhétorique officielle de Téhéran.
Un contexte de « diplomatie des otages »
Ce bras de fer judiciaire et diplomatique survient alors que l’Iran détient toujours une vingtaine d’Occidentaux ou de binationaux, souvent accusés d’espionnage ou d’atteinte à la sécurité nationale. Plusieurs observateurs dénoncent la stratégie de la République islamique consistant à utiliser ces détenus comme monnaie d’échange.
La France réclame toujours la libération de ses ressortissants détenus en Iran, dont Cécile Kholer et Jacques Paris, arrêtés en mai 2022 lors d’un voyage touristique, et le jeune Lennart Monterlos, cycliste de 18 ans arrêté en juin 2025. Selon plusieurs sources diplomatiques, Mahdieh Esfandiari pourrait être renvoyée en Iran dans le cadre d’un échange visant à obtenir la libération de ces prisonniers.
Des précédents en Europe
Ce type de négociations n’est pas inédit. En juin 2024, la Suède avait récupéré deux de ses ressortissants en échange d’Hamid Noury, ancien cadre de l’administration pénitentiaire iranienne condamné à perpétuité. En France, la libération du consultant Louis Arnaud en octobre 2024 avait coïncidé avec l’expulsion de Bashir Biazar vers Téhéran.
Une affaire éminemment politique
À Paris, le ministère des Affaires étrangères garde le silence, refusant de commenter des discussions en cours. Ni l’avocat de l’Iranienne, Me Nabil Moudi, ni le Quai d’Orsay n’ont répondu aux sollicitations de la presse. Les tractations se poursuivent en coulisses, laissant entrevoir un possible dénouement diplomatique dans les prochains mois.